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Afghanistan : Les taliban autorisent des évacuations d'étrangers

Afghanistan : Les taliban autorisent des évacuations d'étrangers

(Reuters) - Quelque 200 ressortissants étrangers toujours présents en Afghanistan dix jours après le départ des troupes américaines devraient quitter le pays ce jeudi à bord de vols réguliers depuis l'aéroport de Kaboul, le gouvernement intérimaire taliban ayant autorisé leur évacuation, a annoncé un responsable américain.

Les vols à bord desquels embarqueront ces civils, des Américains et des ressortissants de pays tiers, devraient figurer parmi les premières liaisons internationales à partir de l'aéroport de Kaboul depuis la conquête de la capitale afghane mi-août, qui a précipité le retrait programmé des troupes américaines et déclenché de vastes opérations militaires d'évacuations ayant permis à 124.000 ressortissants étrangers et Afghans à risque de quitter l'Afghanistan.

Selon ce responsable américain, qui a requis l'anonymat, l'émissaire américain pour la paix en Afghanistan Zalmay Khalilzad a fait pression sur les taliban afin qu'ils autorisent ces évacuations.

Cette source n'a pas pu préciser si les civils dont le départ était programmé ce jeudi faisaient partie des ressortissants étrangers bloqués depuis la fin août à Mazar-i-Sharif, dans le nord de l'Afghanistan, faute d'autorisation pour leurs vols privés.

Cette autorisation intervient deux jours après la présentation par les taliban de leur gouvernement intérimaire.

S'ils avaient fait part de leur intention d'inclure d'autres sensibilités politique dans leur équipe gouvernementale, les taliban n'ont retenu que des membres issus de leurs rangs, majoritairement issus de leur ethnie pachtoune.

RÉTICENCES DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

Les principaux portefeuilles ont été confiés à des tenants d'une ligne dure et plusieurs ministres figurent sur les listes noires des personnes considérées comme des terroristes par les puissances occidentales.

Avec cette annonce, les taliban, qui avaient tenté de présenter un visage moins radical depuis leur conquête du pays mi-août, ont douché le peu d'espoir de la communauté internationale de les voir mettre sur pied une administration plus modérée et les réactions internationales ont oscillé entre prudence et consternation.

La porte-parole de la Maison blanche Jen Psaki a déclaré mercredi que personne dans l'administration Biden ne pourrait "suggérer que les taliban sont des membres respectés et reconnus de la communauté internationale".

L'Union européenne (UE) a déploré mercredi par la voix d'un porte-parole de ses services des Affaires étrangères que le gouvernement "ne ressemblait en rien à l'équipe inclusive et représentative de la riche diversité ethnique et religieuse de l'Afghanistan espérée (par les Européens) et promise par les taliban ces dernières semaines".

Le vice-président de la Commission européenne Maroš Šefčovič a précisé mercredi que l'UE était prête à continuer de fournir une aide humanitaire mais que l'aide économique à plus long terme restait conditionnée au respect des libertés et droits essentiels par les taliban.

MANIFESTATIONS DE FEMMES À KABOUL

Pour les analystes, la composition du gouvernement intérimaire risque d'entraver sa reconnaissance par les puissances occidentales et donc l'aide économique qu'elles sont susceptibles de fournir à l'Afghanistan, confronté à une grave crise humanitaire provoquée par la sécheresse alors que l'économie du pays est déjà exsangue après des décennies de guerres civiles et d'occupations internationales.

A Kaboul, des dizaines de femmes ont à nouveau manifesté mercredi contre les taliban. "Un gouvernement sans femmes est un échec", pouvait-on lire sur une pancarte.

Une femme a témoigné dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux que "les quelques journalistes venus couvrir cette manifestation avaient tous été arrêtés et conduits au poste de police".

La veille, d'autres manifestations s'étaient dispersées lorsque des combattants taliban ont commencé à tirer en l'air.

Le ministère de l'Intérieur des taliban a annoncé dans un communiqué que pour éviter tout désordre ou problème de sécurité, tous les organisateurs de manifestations devraient demander une autorisation 24 heures avant.

De nombreux Afghans, en particulier les femmes, craignent que les taliban ne restaurent une version rigoriste de la charia, la loi canonique islamique, comme c'était le cas lorsqu'ils étaient au pouvoir de 1996 à 2001 avant d'être évincés par l'intervention américaine dans le sillage des attentats du 11 septembre 2001.

Pendant cette période, les femmes ne pouvaient pas travailler, les filles ne pouvaient pas aller à l'école et les infractions pouvaient être punies par des coups de fouets, des lapidations ou des exécutions publiques.

 

(Reportage bureaux de Reuters, rédigé par Stephen Coates; version française Myriam Rivet, édité par Blandine Hénault)