Face à l’horreur, nous invoquons la démence. Confrontés à la violence extrême, nous l’attribuons à la folie. Écœurés par des photos macabres, nous pensons immédiatement à la pathologie. Mais qu’on ne s’y trompe pas : l’assassinat barbare de ces élèves n’est pas le résultat d’un comportement pathologique. La méticuleuse préparation de ce crime atteste son statut : c’est un acte qui se proclame politique.
Désormais, au cameroun, la violence secessionniste a pris une nouvelle cible : l’école. Cela change profondément la donne du terrorisme contemporain car les « effets de terreur » s’en trouvent modifiés et amplifiés. Pour les juguler et les contrer, il faut les décortiquer patiemment. Il en va de notre résilience bien plus, de notre résistance.
Dans tous ces drames, les victimes directes sont blessées, mutilées et assassinées pour que, par identification, la communauté éducative bien plus large se sente constamment menacée par une violence soudaine et imprévisible. C’est la forme triangulaire de ces actions directes aux tactiques indirectes.
Dans le meurtre de ces élèves et cette enseignante, cette triangulation de l’épouvante est reprise et transformée pour menacer tout le corps enseignant. Ces corps sont martyrisés pour plonger professeurs et proviseurs, élèves et parents d’élèves dans une stupeur craintive. Comme tous les enseignants peuvent immédiatement s’identifier à ces enfants et enseignantes tués, ils sont les victimes survivantes du crime.
Voilà l’objectif cardinal de cet attentat : tenter de dominer par l’effroi l’esprit des millions de personnes qui constituent la communauté éducative dans notre pays les professeurs, les personnels administratifs, les parents d’élèves, les élèves eux-mêmes et tous leurs proches.
Outre ses victimes directes et ses cibles indirectes, la violence séparatiste a toujours un destinataire : l’État ou les autorités politiques, responsables de la sécurité et de l’ordre publics. Un enlèvement, un meurtre ou un massacre, aussi horribles soient-ils, ne déstabilisent pas un régime par eux-mêmes. Mais ils peuvent, dans le registre symbolique, chercher à le subvertir. C’est l’autorité de l’État qui est alors mise en cause.
Il ne s’agit plus de jeter le doute sur la capacité de l’État à assurer la sûreté des citoyens. Les terroristes cherchent à montrer la faiblesse de l’État. En attaquant un enseignant et la communauté éducative, c’est une certaine conception de l’État qu’on vise.
Voilà le destinataire de cet attentat : l’État républicain qui exige de son école une formation gratuite, universelle, obligatoire dans tous ses aspects.
En procédant ainsi, les terroristes ne nous attaquent pas seulement au présent. Mais également au futur. Ils tentent de frapper de sidération les enseignants qui préparent les citoyens de demain. Voilà pourquoi les effets de terreur doivent être énergiquement combattus : ils ne doivent pas paralyser la Fabrique du citoyen.