Le massacre de Moura comme on l'appelle, a été perpétré selon de nombreux articles relayés notamment par la presse française, du 27 au 31 mars 2022. Il aurait été commis par les forces armées maliennes et le groupe russe Wagner. 200 à 600 civils et djihadistes auraient trouvé la mort au cours de ce massacre intervenu dans la guerre au Mali. Depuis, des voix s'élèvent pour qu'une enquête soit faite par l'ONU à Moura, pour déterminer les responsables. Dans un contexte de tension internationale alimentée par la guerre en Ukraine et le départ de l'armée française du Mali exigé par les autorités maliennes, on peut se demander si ce n'est que le sort des habitants de Moura, qui motive ce qui est déjà considéré au Mali, comme un harcèlement de la part de la France.
Fin mars 2022, plus précisément du 23 au 31 mars, le commandement militaire malien décide de mener une opération d'envergure à Moura, ville située dans le centre du pays. Depuis quelques temps déjà, les autorités maliennes ont pour ambition de marquer les esprits au centre du Mali où les djihadistes se sont établis. Le 1er avril , à l'issue des combats qui s'en sont suivis, dans un communiqué, l'armée malienne déclare avoir tué 203 terroristes. "En dehors de 203 terroristes tués, 51 autres ont été capturés. Les forces maliennes ont procédé aux nettoyage systématique de toute la zone. Après avoir pris le contrôle de Moura, elles ont procédé à un tri et identifié des terroristes dissimulés dans la population, a précisé un nouveau communiqué.
Quelques temps après, l'ONG Human Right Watch accuse l'armée malienne d'avoir tué 300 civils, épaulée dans cette tâche par de présumés mercenaires de la société russe Wagner. l'ONG se base sur des témoignages recueillis auprès des populations de Moura. France24 et RFI, auraient recuilli des témoignages qui tous font état d’un blocus de cinq jours pendant lequels a régné une campagne de terreur. Selon ces témoignages, l’opération a commencé le dimanche 27 mars, en milieu de matinée, alors que se déroulait un marché de bétails. "Deux hélicoptères ont atterri dans le champ et la cour de ma maison à l’extérieur du village, a relaté un habitant de Moura à Libération. Des blancs en sont sortis, ont pris place sur mon toit et ont ouvert le feu sur des hommes qui couraient." Des militaires sont arrivés en renfort, "il y a eu des affrontements dans les rues du village, les locaux sont rentrés dans leurs maisons et les forces armées maliennes sont allées les chercher chez eux pendant plusieurs jours", résume Wassim Nasr, sur France 24. Quelq'un qui se présente comme un témoin direct, a raconté à l’AFP avoir vu surgir quatre hélicoptères avec "plus d’une centaine de militaires noirs et blancs". "Il y a eu rapidement des exécutions", a-t-il dit. Un combattant blanc passait en revue des hommes arrêtés et faisait sonner un appareil devant certains : "Dès que l’appareil faisait bip devant quelqu’un, on le tuait. Je n’ai jamais vu autant de morts. Il y en a eu plus de 350", a-t-il déclaré.
Après les affrontements initiaux du 27 mars, les soldats ont capturé des centaines d’hommes et, les jours suivants, ils auraient exécuté par balles et par petits groupes des dizaines de captifs, peut-être en fonction de leur tenue vestimentaire ou parce qu’ils portaient la barbe suivant des règles édictées par les djihadistes, ou en raison de leur appartenance ethnique, rapporte HRW. "La grande majorité" des hommes tués étaient Peuls, un groupe dans lequel les djihadistes ont largement recruté. Des civils ont été forcés à creuser des fosses communes avant d’être exécutés, selon l’ONG, qui précise que des dépouilles ont été brûlées au point d’être méconnaissables
Deux ressortissants de Moura ont affirmé à Libération que plusieurs jeunes femmes ont été conduites le soir au campement des soldats où elles auraient été violées. Human Rights Watch attend encore d’avoir des informations suffisamment fiables pour s’exprimer sur le sujet.
La gravité des accusations a poussé à un concert d'indignation et à la demande d'une enquête de l'ONU pour déterminer la vérité, puisque l'armée malienne rejette en bloc ces accusations et parle de témoignages fabriqués par la France.
Cette accusation intervient alors que fin janvier, les militaires au pouvoir au Mali, avaient demandé à la force Barkhane de quitter le pays, les remplaçant immédiatement par une force militaire russe dénommée Wagner, toute chose qui reste en travers de la gorge de la France. Par ailleurs, depuis le 24 février, la Russie a envahi l'Ukraine sous le regard impuissant de la France. Accuser les maliens et les russes d'être responsables d'un massacre au Mali, pourrait donc s'apparenter à un nouvel épisode du bras de fer qui oppose le monde occidental à la Russie en Ukraine. On comprendrait donc mieux pourquoi la presse et les autorités françaises sont intarissables sur ce qui se passe au Mali, alors que France24, RFI et l'armée française ont été priés de quitter le Mali.
Loris-Clet ADIANG