Le Président Volodymyr Zelenksy a annoncé dimanche, avoir " pris la décision de relever de leurs fonctions la procureure générale " Iryna Venediktova, et le chef des services de sécurité (SBU) Ivan Bakanov. Ils ont été Congédiés à cause de nombreux cas de " trahison " dans leurs deux organisations respectives, les puissants services secrets et un appareil judiciaire mobilisé dans l’effort de guerre et contre la corruption.
Volodymyr Zelensky a même donné des chiffres, 60 anciens employés de la SBU ou de la Justice qui se sont mis au service des occupants russes, 651 dossiers de trahison et de collaboration contre des responsables. Selon le président, " un tel éventail de crimes contre les fondements de la sécurité nationale de l’État…, pose de très sérieuses questions aux chefs concernés ". Une mise en garde pour les collaborateurs .
" Chacune de ces questions recevra une réponse appropriée ".
Connivence avec l’ennemi.
Le limogeage du chef des services secrets n’est pas une surprise, depuis l’arrestation il n'y a pas longtemps d'ex-responsables régionaux du SBU en Crimée, Oleh Kulinych, soupçonné de trahison. L’avertissement était clair : " Tous ceux qui, avec lui, faisaient partie d’un groupe criminel qui travaillait dans l’intérêt de la Fédération Russe seront aussi tenus responsables". " Il s’agit du transfert d’informations secrètes à l’ennemi et d’autres faits de coopération avec les services spéciaux russes ".
Ivan Bakanov, un ami d’enfance de Zelensky qui a mené sa campagne présidentielle, n’échappe donc pas au coup de torchon.
Pas plus que la procureure générale Iryna Venediktova, une proche alliée qui était sa conseillère aux Affaires étrangères lors de sa course à la présidentielle. Le président semble avoir perdu confiance en eux.
Toutefois, il faut rappeler qu'il y a trois semaines déjà, Politico écrivait qu’il cherchait un remplaçant à Ivan Bakanov. Une personne plus habilitée à diriger les services en
temps de guerre. " Nous sommes très insatisfaits de son travail et nous nous efforçons de nous en débarrasser ", avait déclaré un haut responsable ukrainien sous anonymat. " Nous ne sommes pas satisfaits de sa gestion, parce qu’on a besoin maintenant de compétences en gestion anti-crise comme nous ne pensons pas qu’il en ait."
Car, c’est l’action du SBU depuis le déclenchement de l’invasion russe qui est en cause.
L’ancien producteur de Zelensky, Ivan Bakanov, âgé de 47 ans, y a été parachuté à son poste après la victoire de Volodymyr Zelensky en 2019. Sa mission est de réformer le successeur du KGB pour prouver à l’Occident la détermination du nouveau président. Dès ce moment, les compétences de Bakanov ont été critiquées par l’opposition ukrainienne.
La chute trop rapide de Kherson.
Il faut savoir que le SBU est une immense organisation au regard de la taille de l’Ukraine, plus de 30.000 employés, sept fois la taille du MI5 britannique, l’équivalent du FBI américain… Et ses tâches vont bien plus loin qu’un simple service de renseignement : il a aussi pour mission de combattre la corruption et la délinquance économique. Or son image est fortement abîmée. Abus de pouvoir, corruption… Les griefs sont nombreux.
Des critiques qui viennent également des diplomates occidentaux et de responsables ukrainiens dans un deuxième temps, avec la réaction du SBU aux premières heures de l’offensive russe. Et plus particulièrement sur la défense de Kherson dans le sud du pays : la ville est si facilement tombée aux mains des Russes parce que le SBU n’a pas fait sauter le pont Antonovskiy sur le Dniepr, que les agents du SBU ont quitté la ville avant l’assaut sur ordre du général Serhiy Kryvoruchko et à l’encontre des ordres de Zelensky, et surtout qu’un colonel du centre antiterroriste, Ihor Sadokhin, aurait tuyauté les Russes sur le chemin à prendre pour éviter les champs de mines et les défenses antiaériennes ukrainiennes… Kherson est tombée le 3 mars, une semaine après le début de l’offensive.
Infiltration d’agents russes.
Autre épine dans le pied du SBU, le soupçon d’infiltration par les agents russes et son manque de fiabilité, déjà observée avant même le début de l’offensive russe. Un exemple encore avec cet autre haut fonctionnaire, Andriy Naumov, un général de brigade qui dirigeait le département de la sécurité intérieure de l’agence, une unité dont les responsabilités incluent la prévention de la corruption au sein du SBU : il s’est enfui à l’étranger quelques heures avant l’invasion russe le 24 février.
Les deux premiers ont été arrêtés en Ukraine, le troisième en Serbie et Kiev attend son extradition. Ailleurs, un responsable régional du SBU à Tchernihiva a mis le feu aux bureaux de l’organisation, soi-disant qu' il ne pouvait mettre tous les documents à l’abri. Ivan Bakanov n’a apparemment pas réussi à nettoyer le SBU. En temps de guerre, c’est d’autant plus critique d'après Alex Kokcharov, analyste chez S&P Global à Londres qui livre son analyse à Politico : l’Ukraine a perdu des années au moment où une attaque russe à grande échelle était redoutée.
" Tous ces scandales autour du SBU impliqué dans les pratiques douteuses concernant ses tentatives de mener des enquêtes sur le business et l’économie, et les luttes intestines entre les différents services de sécurité de l’Ukraine ont conduit à une préparation insuffisante dans des régions comme le Sud et l’Est, qui étaient les cibles russes les plus attendues ". Pourtant le SBU a connu des succès : il a pu identifier des saboteurs et des traîtres dans la population ukrainienne, mais cela ne pèse pas face à ses échecs, et Ivan Bakanov a sans doute été désigné comme victime expiatoire.
En ce qui concerne Iryna Venediktova, nommée en 2020 comme première femme au poste de procureure générale, c’est son manque de résultats qui lui est reproché. Ses services ont pourtant ouvert 21.000 dossiers de crimes de guerre et d’agression depuis le début de l’invasion russe. Elle sera remplacée par son adjoint, Oleksiy Symonenko.
Rosine MANGA