Les 5 plaignantes avaient entre 2 et 4 ans lorsque l'administration coloniale les a enlevées à leur famille parce qu'elles étaient noires et que leur père était blanc. Ils ont été isolés, à l'abri des regards, dans des internats qui leur étaient réservés, dans des missions catholiques. Ils ont déposé une plainte contre l'État belge pour crimes contre l'humanité, le procès s'est ouvert jeudi 14 octobre à Bruxelles.
Environ 20 000 enfants métis ont subi le même sort que les plaignants. Il y a soixante-dix ans, lorsque les faits se sont produits, le Congo était alors sous administration coloniale belge. Leur crime était d'être nés d'un père blanc et d'une mère noire. Leur crime, être né d'un père blanc et d'une mère noire. "L'État belge, alors colonisateur, a enlevé de force les enfants à leur mère dans leur village, uniquement parce qu'ils étaient métis. Leur père était blanc, leur mère noire. Ces enfants ont été arrachés à leur famille, à leur culture, à leur langue, et parfois ils ont été emmenés à des centaines de kilomètres pour être placés dans des institutions religieuses sous la tutelle de l'État. Et l'Etat belge était en fait le tuteur de ces enfants qui n'étaient abandonnés par personne", a expliqué l'avocate des parties civiles, Michèle Hirsch.
Les cinq métisses ont été arrachées à leur mère alors qu'elles n'étaient que des enfants, puis placées dans des internats catholiques qui leur étaient réservés. Elles ont assigné l'ancienne puissance coloniale en justice pour les faits de crime contre l'humanité. Une qualification que la Belgique rejette, elles réclament réparation. "L'État doit reconnaître le mal qu'il a fait aux "mulâtres", le mal qu'il a fait aux enfants abandonnés. Nous avons été détruits. Que l'État l'accepte. Nous demandons justice. Qu'il reconnaisse ce qu'il nous a fait. Nous avons appelé l'État papa. Alors notre père doit reconnaître le mal qu'il a fait à ses enfants. Explique Monique Bitu Bingi.
S'adressant au juge lors de l'audience de jeudi, l'une des avocates des victimes, Michèle Hirsch, a déclaré que l'État belge refuse de reconnaître les crimes commis, tout en demandant que ces actes soient condamnés. "Mes clients ont été kidnappés, abusés, ignorés, expulsés du monde. Ils sont la preuve vivante d'un crime d'État non avoué, et bientôt il n'y aura plus personne pour témoigner. S'ils se battent pour que ce crime soit reconnu, c'est pour leurs enfants, leurs petits-enfants ? Car le traumatisme se transmet de génération en génération. Nous vous demandons de nommer le crime et de condamner l'Etat belge.
Excuses de l'ancien Premier ministre belge aux victimes
La ségrégation des enfants métis au Congo a causé un énorme préjudice à de nombreuses familles. Il y a trois ans, Charles Michel, alors Premier ministre belge, a présenté des excuses au nom de la Belgique, reconnaissant une "ségrégation ciblée". "C'est la première fois que nous allons demander à l'État, dans le cadre d'une procédure judiciaire, que les fautes qu'il a commises à l'encontre de nos clients métis sont des crimes contre l'humanité, il y a longtemps, mais nos clients sont toujours là", ajoute Michèle Hirsch.
Pour les victimes, les mots ne suffisent pas. Elles mettent en avant le préjudice moral et réclament la somme de 50.000 euros. Faisant référence aux excuses de l'ancien Premier ministre belge, l'avocat de la défense a fait cette déclaration : "Des excuses pour l'histoire, oui, mais des réparations pour les victimes, non". Le verdict dans cette affaire est attendu dans les prochaines semaines.
Jean Baptiste Bodo