Environnement

COP15 : Les craintes des populations autochtones du Cameroun

COP15 :  Les craintes des populations autochtones du Cameroun

La première phase de la cop 15 s'est déroulée en Chine. À cause de la Covid 19, cette rencontre s’est tenue de manière virtuelle. Là-bas, les discussions étaient centrées sur l'établissement d'un nouveau cadre pour protéger la nature, mise à mal par les activités humaines.

Le premier jet d’une convention sur la biodiversité a été proposé par l’ONU. La principale pomme de discorde de cette convention réside en l’objectif de transformer 30% des eaux et terres de la planète en aires protégées d’ici 2030. Une proposition particulièrement critiquée par une centaine d’organisations de protection de l’environnement et des droits de l’Homme. Ces organisations dont la plupart sont basées en Asie et en Afrique estiment que cette proposition de l’ONU n’offre pas de garanties suffisantes pour les populations autochtones déjà victimes de marginalisation dans leurs pays. Au Cameroun, une demi-douzaine d’organisations environnementales et des droits de l’Homme sont vent debout contre ce texte onusien et dénoncent « un colonialisme vert ». Les négociations avant l’adoption d’un texte final entre avril et mai 2022 s’annoncent tendues.

Des pygmées privés de forêts

A Kribi, cité balnéaire au sud du Cameroun, le fracas des vagues de l’océan Atlantique résonnent en écho aux complaintes des pygmées Bagyeli, l’un des plus anciens peuples autochtones d’Afrique. Il faut parcourir des dizaines de kilomètres sur des pistes cabossées entre le centre de la ville balnéaire de Kribi dans le Sud du Cameroun et le village Bidou I.

Le village compte quelques hectares de forêts où vivent en sursis quelques dizaines de pygmées Bagyeli. Ici, des dizaines de milliers d’hectares de forêts ont été rasés depuis 20 ans pour réaliser un port en eau profonde , le pipeline Tchad-Cameroun et la construction d’une route reliant les villes de Kribi et d’Ebolowa dans le Sud du Cameroun. « Nous avons été expropriés à plusieurs reprises et chassés de nos forêts. Le gouvernement a promis de nous recaser, mais seulement quelques huttes en bois ont été réalisés. Nous avons été contraints de trouver refuge ici », confie , Etienne Mvondo, le chef de la communauté. Il ajoute ne pas être au courant du programme 30% des aires protégées proposé par l’ONU. « Nous regrettons de ne pas être associés à des décisions qui ont un impact direct sur la vie de nos communautés. Si nos forêts deviennent inaccessibles sous prétexte d’être protégées qu’allons-nous devenir ? Qui mieux que nous est capable de préserver les forêts pour les générations futures ? », s’indigne-t-il.

  Le combat d’une jeune activiste des droits de l’Homme

Jeanne Biloa dirige une association de défense des droits des pygmées Bagyeli. Elle fait partie des 173 signataires d’une déclaration commune adressée à l’ONU. Une déclaration qui interpelle l’organisation internationale sur les droits des populations autochtones. « j’ai signé cette déclaration pour rappeler à l’ONU que par le passé la stratégie des aires protégées a été néfaste pour les peuples autochtones. Plusieurs ont été victimes des violences des gardes-forestiers. Nous souhaitons que l’ONU offre plus de garanties aux peuples autochtones. » explique, la jeune femme de 39 ans qui a précipitamment quitté les bancs de l’école au CM2. Aujourd’hui, elle sensibilise les siens sur leurs droits mais reconnait être impuissante face à certains abus. « Nous n’avons toujours pas les moyens nécessaires pour déclencher une procédure judiciaire contre certaines personnes qui profitent de l’ignorance des pygmées Bagyeli pour spolier les quelques hectares de forêt qui leur reste. J’aurai voulu me rendre en Chine pour porter la voix de mon peuple mais je n’ai pas les moyens financiers pour m’offrir un tel voyage », explique Jeanne, qui s’investit aussi dans la scolarisation des siens.

le soutien de Greenpeace

A Yaoundé, au siège de Greenpeace Cameroun, Ranece Ndjeudja scrute le premier draft de la convention sur la biodiversité. Ce chargé de campagne se dit favorable à l’objectif de 30% des aires protégées à certaines conditions. « Nous pensons que la meilleure chose à faire est d’intégrer les communautés locales dans la gestion des aires protégées. La convention à venir doit tenir compte de leurs besoins pour être efficace. Il faut aussi mettre un terme à la conservation de forteresse qui caractérise les aires protégées et qui consiste à expulser les communautés locales », prévient Ranece. En attendant les résolutions concrètes prévues pour Avril ou Mai 2022, les associations signataires de la convention collective contre les propositions des Nations Unies multiplient les stratégies pour que la décision des 30% des aires et des mers ne soit pas exécutée.

Daniele Stéphanie Mengue