Censure et liberté d'expression : une maison d'édition algérienne ferme ses portes sous la pression des conservateurs

Censure et liberté d'expression : une maison d'édition algérienne ferme ses portes sous la pression des conservateurs

La liberté d'expression artistique subit un nouveau revers en Algérie. La maison d'édition MIM vient d'annoncer sa fermeture suite à une violente polémique autour de son roman "Houaria", récemment primé mais jugé immoral par certains. Cet événement soulève de nombreuses questions sur la place de la littérature et la liberté créative dans la société algérienne contemporaine.

Une récompense qui a déclenché la tempête

Le 9 juillet 2024, "Houaria", roman de l'autrice Inaam Bayoud publié par MIM, reçoit le prestigieux grand prix Assia Djebar du roman en langue arabe. Cette distinction, remise en présence du ministre de la Culture, signifiait consacrer la qualité de l'œuvre. Pourtant, quelques jours plus tard, une violente campagne de dénigrement se déchaîne sur les réseaux sociaux.

Les accusations : immoralité et atteinte aux valeurs

Les détracteurs du roman l'accusent de plusieurs "crimes" :

  • Utilisation de termes jugés grossiers en dialecte algérien (darija)
  • Descriptions jugées trop crues de certaines réalités sociales
  • Atteinte supposée à la bienséance et aux valeurs religieuses

Certains vont jusqu'à exiger le retrait du prix et des excuses publiques de l'autrice.

Une polarisation de la société algérienne

Cette affaire met en lumière les tensions qui traversent la société algérienne :

  • D'un côté, les « progressistes » défendent la liberté d'expression et le droit de la littérature à aborder tous les sujets.
  • De l'autre, les "conservateurs" voient dans certaines œuvres une menace pour les valeurs traditionnelles..

La maison d'édition MIM jette l'éponge

Face à la violence de la polémique, le MIM annonce sa fermeture le 16 juillet dans un communiqué empreint d'amertume : "Nous n'étions que des défenseurs de la paix et de l'amour et nous ne cherchions qu'à les diffuseurs". Cette décision choque le milieu culturel algérien et soulève des inquiétudes quant à l'avenir de la création littéraire dans le pays.

Des réactions politiques inquiétantes

L'affaire prend une tournure politique lorsque des députés islamistes et conservateurs saisissent effectivement le Premier ministre, demandant des sanctions contre ces "atteintes à la morale". Cette implication du pouvoir politique dans le débat culturel fait craindre une potentielle censure institutionnalisée.

La défense de la liberté artistique s'organise

Face à ces attaques, des voix s'élèvent pour défendre la liberté d'expression et la création littéraire :

  • Des intellectuels ont signé une pétition de soutien à Inaam Bayoud et au MIM.
  • Des écrivains rappellent le rôle essentiel de la transgression en littérature.

Conclusion : un débat qui dépasse les frontières algériennes

L'affaire "Houaria" soulève des questions fondamentales qui résonnent bien au-delà de l'Algérie :

  • Quelles sont les limites de la liberté d'expression artistique ?
  • Comment concilier création littéraire et respect des sensibilités culturelles ?
  • Quel rôle doit jouer l'État dans ces débats ?

La fermeture de MIM est un signal d'alarme pour tous ceux qui défendent une littérature libre et audacieuse. Elle rappelle que la liberté d'expression reste un combat permanent, même dans les sociétés qui se veulent démocratiques.