Entre 1976 et 1983, les juntes militaires qui se sont succédées au pouvoir ont fait disparaître plus de 30 000 personnes, d'après les estimations d’organisations de défense des droits humains. Mercredi, c’est le procès dit du Campo de Mayo qui s’est achevé avec 19 condamnations à des peines allant de quatre ans de prison à la perpétuité.
Situé à une trentaine de kilomètres de Buenos aires, campo de Mayo est le camp qui a abrité pendant la dictature, de nombreux centres de détention clandestins. Le procès qui s’est achevé, a permis de mettre en lumière et de documenter le fonctionnement global de ce centre de répression.
D'après la procureure Gabriela Sosti, à peine 1% des quelques 5 000 opposants passés par ce camp en sont sortis vivants. Sur le banc des accusés mercredi, 19 personnes ont été jugées pour des faits de séquestration, torture, abus sexuels et homicides sur 350 victimes. Parmi elles, 14 femmes enceintes dont les bébés ont été volés à la naissance, après qu’elles aient accouché à la maternité clandestine de l’hôpital militaire.
Plus de 750 témoins se sont succédés à la barre pendant les trois ans de procédure, qui se sont achevés ce 6 juillet avec 19 condamnations, dont 10 peines d’emprisonnement à perpétuité.
Toutefois, Avant ces condamnations, un autre verdict très attendu a été rendu en début de semaine, celui du procès sur les vols de la mort. Une audience qui s’est tenue lundi 4 juillet en présentiel, une première dans ce procès débuté en octobre 2020, qui s’est déroulé de manière entièrement virtuelle.
Quatre anciens militaires du 601e bataillon d’aviation, lui aussi stationné dans l’enceinte du campo de Mayo, étaient jugés pour avoir participé à ce mécanisme d’exécution sommaire qui consistait à jeter les victimes dans le Rio de la Plata depuis un avion ou un hélicoptère.
Ils ont tous été condamnés à la prison à perpétuité pour l’assassinat de quatre personnes, dont les corps ont été retrouvés sans vie sur la côte Atlantique, entre 1976 et 1978.
<< L’une des pages les plus sombres de l’histoire argentine. >>
Là encore, l’enjeu de ce procès était de reconstituer précisément le fonctionnement de ce mode d’exécution. La justice argentine avait déjà reconnu l’existence de ces vols de la mort dans un jugement rendu en 2014.
Une fois par semaine, parfois plus, un camion venait chercher des prisonniers. On leur administrait du ketalar, un sédatif destiné à les endormir avant de les faire monter à bord d’un avion ou d’un hélicoptère, pour ensuite tuer et jeter leurs corps dans le Rio de la Plata. Deux ou trois heures plus tard, le camion revenait à vide avec des vêtements qui étaient ensuite brûlés.
Cette reconstitution a été rendue possible par les témoignages de nombreux conscrits, ces jeunes hommes qui faisaient leur service militaire à cette époque et qui ont chacun vu une partie de ce processus d’exécution. Certains ont raconté avoir retrouvé des vêtements ou des seringues près de la piste de décollage, d'autres ont parlé des taches de sang qu’ils ont nettoyées sur la carlingue des avions.
Autant de preuves qui, mises bout à bout, ont permis d'apporter une lumière crue sur l’une des pages les plus sombres de l’histoire argentine.
Rosine MANGA