L’ancien directeur de la radio des Milles Collines, considéré comme le « financier » du génocide au Rwanda doit être remis par les autorités françaises au Mécanisme, héritier du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR).
La Cour de cassation a définitivement validé, mercredi 30 septembre, la remise à la justice internationale de Félicien Kabuga, 87 ans, accusé d’être le « financier » du génocide au Rwanda.
Interpellé le 16 mai dernier à Asnières-sur-Seine, Félicien Kabuga est accusé d’avoir participé à la création des milices hutues Interahamwe, principaux bras armés du génocide de 1994, et d’avoir dirigé la Radio télévision libre des Mille collines (RTLM), qui diffusa des appels au meurtre des Tutsis. Il est également soupçonné d’avoir contribué en 1993 à l’achat massif de machettes distribuées aux miliciens avant le génocide.
La France dispose d’un mois pour remettre l’octogénaire au Mécanisme pour les tribunaux internationaux (MTPI), la structure chargée d’achever les travaux du Tribunal international pour le Rwanda (TPIR), basée à Arusha en Tanzanie. Il sera jugé pour génocide et crimes contre l’humanité.
Son avocat, Me Louis Boré, invoque son état de santé pour empêcher son transfert vers la Tanzanie. Il pourrait alors être jugé à La Haye, aux Pays-Bas, où une autre division du Mécanisme est chargée de gérer l’héritage du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Le procureur du Mécanisme, Serge Brammertz, y est installé.
L’activité du Mécanisme pour le Rwanda
La branche duMécanisme basée à Arusha compte 200 employés de 65 nationalités différentes, pour un budget annuel de 40 millions de dollars (32 millions d’euros), travaillant dans des locaux flambant neufs. Elle a reçu pour mission principale d’achever le mandat judiciaire du TPIR, c’est-à-dire d’examiner les demandes de libération ou de révision, de rechercher huit accusés en fuite, puis de juger trois d’entre eux : Félicien Kabuga, l’ex-ministre de la Défense, Augustin Bizimana, et le major Protais Mpiranya. Rapporte la croix.
Aujourd’hui, la situation est absurde. On refait naître un tribunal que l’on avait fermé. Tout le monde pensait que ces trois accusés ne seraient jamais arrêtés », explique Thierry Cruvellier de Justice Info, le média de la Fondation Hirondelle. « Ce procès peut être une planche de salut pour les fonctionnaires d’Arusha. » Il estime que « le Rwanda était le juge naturel de Félicien Kabuga. D’ailleurs, 13 extradés de pays occidentaux sont actuellement jugés dans ce pays. »
Le TPIR a jugé 75 personnes. Quatorze ont été acquittées. Une dizaine de ces acquittés se trouvent toujours à Arusha, car aucun pays ne veut les accueillir. Les condamnés purgent leur peine, en dehors de la Tanzanie, sous le contrôle du Mécanisme. Dix-huit d’entre eux sont emprisonnés au Bénin, sept au Mali et cinq au Sénégal.
Ce nombre de jugements, pour certains conduisant à la prison à vie, est beaucoup plus important que ceux rendus par des tribunaux internationaux plus récents, comme celui pour le Sierra Léone ou le Cambodge.
Pour Thierry Cruvellier « La justice internationale est devenue terriblement symbolique. La bureaucratie interne l’a rendu inefficace. On assiste à l’essoufflement du modèle et au retour massif vers les tribunaux nationaux » .
Reste à souligner que le génocide au Rwanda a été pour Félicien Kabuga « le crime le plus jugé au monde ». Un million de personnes ont dû répondre à des accusations devant un tribunal populaire gacaca, 10 000 autres devant un tribunal ordinaire au Rwanda. Dans une dizaine de pays occidentaux, des jugements conduisant à la réclusion pour génocide ont été rendus.
Notons que l’homme d’affaire accusé de génocide et de crimes contre de l’humanité commis en 1994 dans le pays a été jugé apte à passer devant la Haye par les juges de l’ONU dans une décision rendu lundi. Selon les hommes de loi contrairement à ce qu’a toujours affirmé son avocat depuis des mois sur son état de santé il ne peut être jugé en Tanzanie. Kabuga 87 ans, a selon eux la santé très fragile et elle pourrait encore plus se dégrader en cas de déplacement. La date de l’ouverture de son procès n’a pas encore été communiqué.
Denise KAVIRA KYALWAHI