Le G20 Finances est réuni pour résoudre « le plus grand défi de l'économie mondiale ».
Quatre mois après le début de la guerre en Ukraine, les ministres des Finances et les banquiers centraux des 20 pays les plus riches de la planète se sont retrouvés à Bali en Indonésie vendredi et ce samedi, pour un sommet qui s'annonce stricte. La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a estimé jeudi que «le plus grand défi» pour l'économie mondiale venait de la guerre en Ukraine. Ce conflit, qui a secoué les marchés mondiaux, accentué l'inflation, et aggravé une crise alimentaire et énergétique, pourrait porter un coup dur au multilatéralisme, déjà mis à rude épreuve par la pandémie et la guerre commerciale sino-américaine.
La diplomatie mondiale se porte mal. Quatre mois après l'éclatement de la guerre en Ukraine, les ministres des Finances et banquiers centraux des 20 plus grandes puissances de la planète se sont retrouvés à Bali en Indonésie pour deux jours d'échanges et de négociations dans un contexte particulièrement troublé.
Après plusieurs revirements, le ministre des Finances russe, Anton Siluanov, doit participer à ce sommet à distance. Sur place, Moscou a décidé d'envoyer tout de même une délégation. La présence de la Russie risque de provoquer des remontées au sein de cette réunion internationale.
Déjà en avril, des hauts responsables britanniques, canadiens et américains ont quitté une réunion du G20 à Washington (qui comprend des pays qui ont imposé à Moscou de lourdes sanctions, mais également des pays qui n'ont pas suivi ce mouvement), à laquelle des représentants russes participaient.
La semaine dernière le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, était venu en personne à une réunion de ses homologues du G20 mais avait dû essuyer une série d'accusations au sujet de la guerre et a quitté la réunion en milieu de journée.
« Cette guerre marque un point de rupture dans les relations entre l'Occident et la Russie. Le but de la Russie est de soumettre l'Ukraine a sa volonté », a récemment affirmé Tatiana Kastevoua-Jean, directrice du Centre Russie, à l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI). Dans une récente note, la présidente du FMI, Kristalina Georgieva, a appelé à « redynamiser la coopération mondiale ».
De son côté, à Bali, durant ce G20 Finances, la France devrait être représentée par le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, et le patron de la grande direction générale du Trésor, Emmanuel Moulin. Le ministre de L'économie, Bruno Le Maire, n'a pas prévu de se rendre en Indonésie en raison notamment du calendrier législatif très chargé actuellement avec les débats sur la loi du pouvoir d'achat et le budget rectificatif 2022.
Les effets économiques de la guerre au centre des tensions.
La guerre en Ukraine a précipité l'économie mondiale vers un horizon particulièrement brouillé. En quelques semaines seulement, la majorité des économistes, partout sur la planète, ont revu à la baisse leurs perspectives de croissance pour 2022 et 2023.
Après une longue période de la pandémie à Corona virus et un fort rebond économique en 2021, les ressorts de l'économie mondiale devaient permettre à l'activité de retrouver un rythme de croisière.
La déclaration de guerre de Vladimir Poutine le 24 février dernier a complètement changé la donne économique. La Commission européenne vient de baisser ses prévisions de croissance pour 2022 et 2023. Bruxelles table dorénavant sur 2,6% de croissance du PIB (Produit intérieur brut) des 19 pays européens de la zone euro, contre 2,7% anticipé jusqu'ici, et sur seulement 1,4% en 2023, contre 2,3%.
Parallèlement, les prévisions d'inflation ont été relevées à 7,6% en 2022 et à 4% en 2023.
À l'ordre du jour figure en premier lieu, la situation dégradée de l'économie mondiale. Sur ce sujet électrique, les échanges promettent d'être vifs entre les puissances occidentales (États-Unis, Europe, Canada, Royaume-Uni) et la Russie, la Chine ou encore l'Inde qui ont décidé de ne pas appliquer de sanctions à l'encontre du régime russe.
« Les tensions internationales devraient mettre la pression sur le communiqué final. On n'arrivera pas à se mettre d'accord sur les conséquences économiques de la guerre », a indiqué une source à Bercy.
« Le G20 fonctionne à l'unanimité. Il serait dommage de ne pas avancer sur les autres sujets », a-t-elle ajouté.
Le communiqué final, censé refléter l'ensemble des points d'accord à l'issue de ce sommet, pourrait donner lieu à des bras de fer particulièrement tendus.
« Une capacité d'action entravée par la guerre en Ukraine ».
Cette assise pourrait bien déboucher sur de maigres résultats. Et donc, la guerre en Ukraine a complètement rebattu les cartes de la géopolitique mondiale. Face aux sanctions occidentales, la Russie a cherché du soutien du côté de l'Asie, notamment la Chine et l'Inde. Ces deux poids lourds économiques et démographiques risquent de vouloir préserver leurs échanges commerciaux et énergétiques avec la Fédération russe. Ces basculements, dans l'ordre planétaire mondial, pourraient provoquer des passes d'armes entre les différentes puissances en présence.
Du côté du ministère de l'Economie français, on reconnaît que « la capacité d'action et de communication est très fortement entravée par la guerre en Ukraine ». Ce conflit en Ukraine risque de donner lieu, lors de cette réunion, à une bataille diplomatique et informationnelle sur les responsabilités des États dans cette guerre.
En effet, la Russie risque de rejeter la faute sur l'Ukraine et les puissances occidentales. « Il faut s'assurer que le narratif est très clair sur les pays du G20 [...] Le responsable de la situation actuelle est bien la Russie. Il en découle toutes les conséquences. Il est évident que l'Europe et les États-Unis ne pouvaient pas laisser passer cette agression. C'est bien l'agression russe qui provoque les tensions sur les marchés. Ce sont bien ces agressions qui provoquent des crises alimentaires. La situation en Ukraine rend impossibles les exportations de blé même si les prix s'essoufflent », a expliqué un haut-responsable à Bercy.
Depuis le mois de février, l'Occident a multiplié les paquets de sanctions contre la Russie, après l'arrivée des soldats russes sur le territoire ukrainien. S'il est encore un peu tôt, d'après la plupart des économistes, pour évaluer toutes les conséquences macroéconomiques de ces sanctions, certains indicateurs avancés indiquent que la Russie se dirige tout droit vers une récession en 2022.
La politique monétaire au cœur des discussions.
L'autre sujet important qui devrait être abordé pendant ce G20 Finances est la politique monétaire.
La hausse des prix partout sur la planète a accéléré le durcissement des mesures des banques centrales, sauf en Chine et au Japon.
Aux États-Unis, la Réserve Fédérale a déjà serré la vis monétaire au printemps en augmentant ses taux. Outre-Atlantique, l'inflation vient de pulvériser un record vieux de 40 ans pour s'établir à 9,1%.
Du côté de la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE), devrait également annoncer une flambée des taux prévue lors de sa réunion cruciale le 21 juillet prochain.
La normalisation de la politique monétaire pour lutter contre l'inflation accroît les risques d'une récession. De nombreux économistes ont commencé à évoquer cette menace alors que l'économie freine dans la plupart des pays riches. En parallèle, la BCE(Banque Centrale Européenne) est confrontée à l'écartement des spread au sein de la zone euro, c'est-à-dire l'écart des taux entre les pays. Les banquiers centraux réfléchissent actuellement à un outil anti-fragmentation.
Enfin, la dépréciation continue de l'euro face au dollar traduit un affaiblissement de la zone monétaire en raison notamment de son exposition à la crise énergétique et à la guerre en Ukraine. En plus, la Chine, traditionnel moteur de la croissance mondiale, dont l'objectif est d'atteindre une croissance du PIB de 5,5% en 2022, paraît de plus en plus difficile en raison des conséquences de la pandémie du début d'année et des secousses très présentes dans le secteur de l'immobilier.
La fiscalité internationale et le climat à la trappe.
Après avoir été au centre des discussions, tout au long de l'année 2021, le sujet de la fiscalité des multinationales risque de passer à la trappe lors de cette réunion. Par conséquent, même si ce thème figure bien à l'agenda, les ministres des Finances risquent avant tout de débattre des répercussions de la guerre en Ukraine comme la crise énergétique ou la crise alimentaire.
En outre, l'accord sur la fiscalité internationale, qualifié « d'accord historique » par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, a connu de nombreux revers. Dernièrement, la Hongrie a opposé un veto pour mettre en place cette nouvelle fiscalité. « À ce niveau, nous avons épuisé tous les moyens de pression à l'égard de la Hongrie. On est bien obligé de trouver des alternatives. La coopération renforcée en fait partie », a expliqué Bercy.
Pour rappel, cet accord repose sur deux piliers. Le premier consiste à mettre en place une clé de répartition des recettes fiscales, entre le pays de résidence du siège de la multinationale, et les pays de marché. Le second prévoit de fixer un taux minimum d'imposition mondial de 15% sur les multinationales.
L'autre sujet majeur qui devrait être relégué est le climat. Pourtant, la multiplication des catastrophes climatiques et l'intensification des vagues de chaleur en Europe notamment, devraient pousser les ministres à agir sur le secteur de la finance. Ce secteur joue en effet un rôle considérable dans le financement des énergies fossiles.
Au final, la transition énergétique pourrait accuser un sérieux retard si le conflit est amené à durer plusieurs années.
Rosine MANGA