Le prix lui a été remis le dimanche 26 septembre 2021, en marge du festival Les Zébrures d'automne des Francophonies à Limoge. Il a reçu ce prix pour son œuvre " Poussière d'opéra " qui revisite la vie de Sanite Bélair tuée par les colons français en 1802.
A seulement 26 ans, Jean D'Amérique est l'un des écrivains les plus influents d'Haïti. L'auteur a remporté dimanche le prix du théâtre de Radio France Internationale (RFI) pour sa pièce "Poussière d'opéra" consacrée à la vie de la révolutionnaire et héroïne haïtienne, Sanité Bélaire, assassinée par des colons français en 1802. Pour M. Bugul, président du jury de cette huitième édition du prix, Jean D'Amérique a réussi, à travers sa pièce, à "réhabiliter" cette figure féminine de la lutte anticolonialiste "hors de la mémoire collective".
Le prix RFI théâtre, récompense depuis 2014 une œuvre en français d'un auteur non européen. En recevant son prix, le poète, dramaturge et romancier a eu du mal à contenir son émotion "C'est avec une grande joie et une grande fierté que j'ai appris cette nouvelle, a-t-il confié à Loop Haïti. C'est une belle reconnaissance pour mon travail " s'exprimant sur les ondes de RFI il a précisé qu'il n'en était pas à sa première tentative pour ce prix. "Par deux fois, j'ai été finaliste. Cette année était la bonne et son travail a porté ses fruits".
Sainte Bélair, figure emblématique de l'anti-colonialisme haïtien
Son histoire est peu connue en Haïti, son pays natal et même en dehors de l'île. "Dans le canon des héros, on ne la trouve pas souvent. Je l'ai découverte par l'intermédiaire d'une historienne et anthropologue haïtienne, Bayyinah Bello, qui enseignait à ma faculté en Haïti. J'avais donc envie de voir réapparaître Sanite Bélair comme une figure de la résistance. On fait des odes pour les héros, mais pourquoi pas pour une héroïne ? C'est une figure où se cristallisent aussi toutes les luttes qui ont été menées par d'autres femmes."
Malgré son jeune âge, elle s'est engagée dans un combat qu'elle a mené sans relâche jusqu'au sacrifice suprême. Lors de son entretien avec RFI, il a donné les raisons de son intérêt pour cette figure historique "Sanite Bélair est une résistante anticolonialiste haïtienne. Elle a participé très tôt, vers la fin du XVIIIe siècle, aux combats anti-esclavagistes en Haïti. Elle a été capturée par des soldats français en octobre 1802. À l'époque, les rebelles masculins capturés devaient être fusillés et les rebelles féminins décapités. Sanite Bélair a refusé d'être décapitée et a finalement été fusillée. J'ai pensé qu'il s'agissait déjà d'un acte politique très fort. C'est à partir de là que je me suis intéressée à son histoire pour essayer de faire connaître son histoire. Et surtout pour parler du fait qu'aujourd'hui elle est sous-représentée dans le panthéon des héros."
Poussière d'opéra, un morceau d'histoire
Très tôt dans le récit un mot retient l'attention du lecteur, la rigoise ce nom est chargé d'histoire et a une base sémantique très profonde pour l'auteur et toute la communauté haïtienne. "Rigoise est un mot très courant en Haïti. C'est un fouet fabriqué à partir de peaux d'animaux. Il est utilisé pour battre les gens. Un outil qui a été beaucoup utilisé à l'époque de l'esclavage en Haïti. Et moi, en grandissant en Haïti, j'ai été confronté à cela, car il est encore utilisé. Il y a des vendeurs de rue avec des paquets de rigoises. Enfant, je les détestais, comme tous les enfants, car nous avions peur que nos parents les achètent pour nous battre. Plus tard, quand j'ai appris l'histoire de cet objet, je me suis demandé comment il pouvait encore être utilisé aujourd'hui. C'est un outil qui a une histoire terrible, horrible, car il était utilisé pour battre les esclaves à Saint-Domingue. Je voulais donc réutiliser ce vocabulaire pour plonger le lecteur dans le monde de l'esclavage dans lequel vivait Sanite Bélair, les choses contre lesquelles elle s'est battue.
À ce jour, il a déjà écrit une demi-douzaine de livres, des recueils de poésie, un premier roman, reçu des prix, créé le festival TransPoétique et dirigé la revue de poésie Davertige.
Jean Baptiste Bodo