Politique

Les députés votent la suppression de la redevance audiovisuelle, au profit d'une fraction de la TVA

Les députés votent la suppression de la redevance audiovisuelle, au profit d'une fraction de la TVA

Les débats ont été houleux dans l'Hémicycle sur le sujet sensible de la redevance. L'annonce est plutôt un soulagement, à en croire un haut cadre du secteur. Le texte doit encore passer l'obstacle du Sénat.

 

Fini la redevance audiovisuelle... qui existait depuis les années 30. Et place à la TVA pour financer l'audiovisuel public.

Après des heures de débats houleux sur ce sujet sensible, les députés ont voté, samedi matin, un amendement prévoyant la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) prévue à l'article 1er de la loi de finances rectificative, remplacée par une fraction de la TVA, ​après un avis favorable du gouvernement.

« Avec la budgétisation initialement prévue dans la loi, les groupes audiovisuels publics partaient d'un tableau vide. Désormais, avec une fraction de la TVA, on leur donne un socle et un mécanisme qui rassure », explique Quentin Bataillon, député (Renaissance), qui a porté cet amendement avec Aurore Bergé (Renaissance). « Cela répond à la demande des sociétés de l'audiovisuel public que nous avons rencontrées », a assuré cette dernière dans l'Hémicycle samedi matin.

Et de fait, cette annonce est plutôt un soulagement, à en croire un haut cadre du secteur. « C'est le Parlement qui votera la part de la TVA affectée à l'audiovisuel public, ce qui nous donne plus de garanties, que si on devait chaque année négocier avec Bercy en amont, avec rien à la base. On nous assure aussi dans cet amendement le montant qui était prévu pour 2022 », explique celui-ci. « Avec l'inflation, on peut anticiper une hausse de la TVA, ce qui va mettre à l'abri les groupes de restrictions pour quelque temps », ajoute un spécialiste.

En 2021, la TVA a rapporté plus de 92 milliards d'euros, selon un rapport remis au Premier ministre par l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC), il y a quelques jours, qui avait étudié cette piste de la TVA, tout en mettant garde le gouvernement sur le risque constitutionnel en cas de financement par le budget de l'Etat sans garde-fou. En face, l'audiovisuel public est financé à 89 % par la CAP (138 euros en métropole), qui est payée par 23 millions de foyers, pour des encaissements d'environ 3,1 milliards par an en 2020 auxquels s'ajoute la compensation par l'Etat des dégrèvements à hauteur de 653,5 millions, selon ce même rapport.

Toutefois, rien n'est encore figé tant que la loi ne sera pas passée au Sénat. « Ce débat entre budgétisation et TVA, c'est beaucoup de bruit pour rien. Dans le premier cas, aussi, le Parlement a son mot dire et je ne vois pas trop de différence entre TVA et budgétisation du moment que les crédits étaient annuels avec une trajectoire définie », note un bon connaisseur.

Reste ensuite la question de l'acceptabilité de la mesure, puisque désormais chaque Français va payer pour la télévision et radio publique au travers de ses achats divers. Ce que certains députés ont d'ailleurs relevé, proposant pour certains à une hausse de la TVA sur les produits de luxe, d'autres rappelant que l'actuelle redevance comportait des exonérations pour les foyers modestes. « Mais cela ne se verra pas vraiment, la TVA étant indolore. Cela semblait plus compliqué de mettre une ligne dans l'impôt sur le revenu », note un spécialiste.

Encore de nombreuses questions

En outre, ces discussions complexes risquent de devoir revenir rapidement dans l'Hémicycle. En 2025, la loi va imposer un cadre entre l'origine d'un impôt et son but. « On est bien conscient qu'il faudra revoir le mécanisme d'ici 2025, reconnaît Quentin Bataillon, ajoutant : Mais l'enjeu sera ensuite de donner une visibilité financière sur plusieurs années et donc rendre plus longs les contrats d'objectifs et de moyens des groupes publics ».

Quoi qu'il en soit, cette question de la suppression de la redevance et surtout son remplacement est suivi de près par les salariés et dirigeants de l'audiovisuel public, qui se mobilisent depuis des semaines en coulisses ou plus ouvertement. Précisément, depuis l'annonce - perçue comme surprise- d'Emmanuel Macron, en mars, de supprimer la redevance pour redonner du pouvoir d'achat aux Français.

L'inquiétude portait plusieurs points dans le cas d'une budgétisation : d'abord, sur le fait que les groupes publics soient potentiellement soumis au bon vouloir de Bercy... ce qui pourrait laisser craindre un certain contrôle de la tutelle. « Même si le gouvernement semble de bonne foi, quid du futur si le pouvoir change ? On nous promettait certes une visibilité sur une trajectoire budgétaire mais ce sont des orientations, pas des garanties juridiques », dit un spécialiste. La question des moyens et surtout de la prévisibilité des moyens est centrale, alors que les groupes audiovisuels pensent des investissements sur plusieurs mois voire plusieurs années, dans le cas de la télévision (commande d'une fiction, investissement dans la SVOD etc.). « Il y a beaucoup de fantasmes. Ces inquiétudes masquent une sorte de méfiance entre les dirigeants de l'audiovisuel public et le gouvernement », tempère toutefois un connaisseur du sujet.

La question de l'indépendance au centre

Enfin, p our les groupes présents à l'étranger comme Arte, France Médias Monde (RFI, France 24 etc.), TV5 Monde, il y a aussi tout l'enjeu d'avoir une taxe affectée comme l'était la CAP. « Un média financé par des recettes affectées est en général qualifié de média indépendant de service public ; un média financé sur le budget de l'Etat est en général qualifié de média gouvernemental », expliquait Marie-Christine Saragosse, PDG de France Médias Monde, il y a quelques jours. Un label qui peut avoir des conséquences importantes notamment sur les réseaux sociaux.

 

Denise KAVIRA KYALWAHI