Bien avant le début du conflit entre l'Ukraine et la Russie, certains médias occidentaux, notamment français, ont publié des informations visant à mettre en avant le courage et la témérité des populations ukrainiennes, des informations qui se sont multipliées depuis le 24 février, date du début de la guerre, présentant des visages romancés de ce conflit.
Dès le 31 janvier 2022, le journal L'Express présentait Artem Kouzmenko, informaticien de 29 ans, qui dans une forêt près de Kiev participait à une formation sur le maniement des armes. Quelques jours avant le début du conflit, de nombreux JT ont aussi présenté des instructeurs américains dans des villages ukrainiens, formant ceux-ci aux rudiments de la guerre. Des civils anonymes qui s'organisent pour la résistance, des sportifs, des célébrités qui abandonnent leurs occupations pour aller prendre les armes, des ukrainiens vivant à l'étranger et de volontaires de pays notamment européens qui se rendent en Ukraine pour grossir les rangs de l'armée dans sa guerre contre la Russie, sans oublier les envolées lyriques quasi quotidiennes de Volodymir Zelensky, acteur devenu président et chef de guerre, qui ne manque pas de verbe pour appeler à défendre l'Ukraine. Un appel qui a déjà été compris par beaucoup, Vitalii Sapylo, footballeur de 21 ans, Yervhen Malyshev, athlète de biathlon de 19 ans ont déjà payé de leur vie la réponse positive à cet appel. Ce qui n'a pas découragé Oleksandr Usyk, Vasyl Lomachenko, Vitali Klitschko et son frère jumeau Wladimir, des figures de premier plan, de poser fièrement en treillis de combat ou une arme à la main, à grand renfort médiatique.
Par ailleurs, les médias au cours de ce conflit ont aussi pris le parti de mettre en lumière ces petites mains de la guerre. Des femmes qui dans des caves fabriquent des cocktails Molotov, dans des fabriques confectionnent des gilets pare-balles, des hommes qui remplissent des sacs de sable pour construire des check-points, ou encore se relaient pour monter la garde à l'entrée des villes. Des civils, désormais dédiés aux tâches militaires, montrés en exemple pour louer le courage du peuple ukrainien. La presse a aussi abondamment relayé l'histoire de ce jeune ukrainien de 11 ans qui a parcouru tout seul plus 1100 kilomètres pour fuir la guerre dans son pays.
Des récits romancés qui s'ils servent bien la propagande, ont un effet pervers sur le ressenti que le public peut avoir sur le drame qui se vit en Ukraine. Ces héros ordinaires ou ces stars découvertes sous un nouvel angle donnent un caractère épique, de cinéma d'action à ce conflit et en même temps font s'éloigner des esprits des uns et des autres que la guerre en Ukraine, comme toutes les autres guerres, c'est avant tout des souffrances et surtout la mort.
Loris-Clet ADIANG