Kaïs Saïed, chef de l'Etat, a promulgué mercredi 22 septembre des lois sous forme de décrets, suspendant deux chapitres de la Constitution régissant les pouvoirs législatif et exécutif.
Cette décision fait suite au coup de force du 25 juillet dernier, au cours duquel il a promulgué des dispositions qui renforcent ses pouvoirs au détriment de son gouvernement et du Parlement, en limogeant le chef du gouvernement Hichem Mechichi et en suspendant le Parlement pour 30 jours. Ces dispositions modifient le système de gouvernement prévu par la constitution de 2014 et concentrent tout entre les mains d'un seul homme, le président de la république.
Le seul pays à avoir réussi sa transition démocratique après le printemps arabe de 2011 voit, selon l'opinion publique, sa démocratie menacée. En effet, l'une des nouvelles dispositions permettra désormais au président tunisien de légiférer. Les lois seront promulguées sous la forme de décrets. Certains d'entre eux ont fait l'objet d'une série d'informations publiées dans les journaux du pays. Il s'agit de celles sur "les textes à caractère législatif qui seront promulgués sous forme de décret signé par le président", et d'une autre qui précise que "le président exerce le pouvoir exécutif avec l'aide d'un conseil des ministres présidé par le chef du gouvernement", tandis que "le président préside le conseil des ministres et mandate le chef du gouvernement pour le remplacer" dans un tout autre article. En d'autres termes, le pouvoir exécutif qui appartenait au gouvernement appartiendra désormais à l'homme d'État.
Dans un communiqué publié sur son compte officiel Facebook, la présidence de la République dit "maintenir la suspension de toutes les activités du parlement, ainsi que la levée de l'immunité parlementaire de tous les députés et mettre fin à tous leurs privilèges". Sa promesse faite en 2014 de réformer la constitution en ces termes : "les constitutions ne sont pas éternelles" semble donc se mettre lentement en place.
Opinions des acteurs politiques
Ces décisions ont été mal accueillies au sein des partis et rejetées. Certains d'entre eux décrivent ce dernier événement comme un " coup d'État contre la constitution ", alors que pour d'autres " c'est une restauration du processus ". Beaucoup ont annoncé leur rejet de l'abrogation et ont depuis mis en garde contre un retour à la tyrannie.
À 63 ans, le président Saïd, qui prétend "agir au nom de la volonté du peuple", a pris les pleins pouvoirs parce que le principal parti d'opposition, le parti politique islamique Ennahdha, était une figure centrale du parlement qu'il a dissous. Mohammad AL-Goumani, l'un des leaders, l'accuse de "mettre en place une nouvelle constitution qui se retournera contre celle pour laquelle il a prêté serment".
Nadine EDIA