Société

Inde : harcelées pour leur dot, 3 sœurs retrouvées mortes à Dudu

Inde : harcelées pour leur dot, 3 sœurs retrouvées mortes à Dudu

Harcelées depuis des mois par leurs belles-familles, trois sœurs ont été retrouvées mortes dans un puits du Rajasthan, dans le nord de l’Inde. Alors que deux d’entre elles étaient enceintes, ces femmes étaient sous pression de leurs beaux-parents pour qu’elles paient une dot plus importante.

 

Samedi  28 mai dernier, les corps sans vie de ces femmes ainsi que de deux garçons d'à peine un mois et 4 ans, ont été découverts dans un puits du village de Dudu, dans l'État indien de l'Uttar Pradesh. Kamlesh, Mamta et Kalu, trois sœurs âgées de 20 à 25 ans,  se seraient visiblement suicidées, « ne supportant plus l'enfer qu'elles vivaient au quotidien dans leur belle-famille où elles étaient mariées à trois frères ». Leur père endeuillé, qui les a recherchées durant plusieurs jours après s'être inquiété de leur disparition, accuse la belle-famille de les avoir poussées à bout. Les trois maris, leur mère et une belle-sœur ont alors été placés en garde à vue.

« Elles étaient régulièrement battues et harcelées pour leurs dots », a accusé leur cousin Hemraj Meena, cité par NDTV qui poursuit « Quand elles ont disparu le 25 mai, nous sommes partis à droite à gauche pour les retrouver. Nous les avons déclarées disparues au commissariat et aux organisations de défense des femmes, mais nous avons reçu très peu d'aide».

La panique dans la famille Meena était d'autant plus forte que Kamlesh, la plus jeune des sœurs, avait envoyé un message Whatsapp alarmiste peu avant : «Nous partons, soyez heureux car la raison de notre mort est notre belle-famille, c'est mieux de mourir une seule fois pour toutes que de mourir un peu chaque jour. Donc nous avons décidé de mourir ensemble. Nous espérons être toutes les trois réunies dans la prochaine vie. Nous ne voulons pas mourir mais notre belle-famille nous harcèle. N'accusez pas nos parents pour notre mort ».

"Tellement harcelées"

Le témoignage du parent endeuillé est tout aussi alarmant. Sardar Meena, père des défuntes, se désole du calvaire qu’ont enduré ses filles depuis bien longtemps. 

 « Leurs maris les frappaient tous les jours, ils ont tué mes filles. Quand mes filles ont disparu, j'ai pensé que leurs maris pouvaient les avoir tuées. Eux seuls sont responsables de leurs morts », a déclaré le père endeuillé Sardar Meena, cité par le « Times of India ».

Selon l’interlocuteur de la presse, son aînée Kalu a été violemment battue par son mari le mois dernier : « La raison du déferlement de violence, d'après lui : la volonté de sa belle-famille d'obtenir de plus en plus d'argent en guise de dot, une pratique officiellement illégale ».

«Nous leur avions déjà donné tant de choses », a-t-il déploré avant d’ajouter qu’il est le père de six filles et qu’il y a une limite à ce qu’il peut donner.

Du harcèlement au suicide 

Des sources de la Police contactées par l’AFP rapportent que ces décès sont traités en suicide jusqu'aux résultats des autopsies. Mais, Monsieur Meena accuse ses gendres de la maltraitance et du harcèlement moral incessants qu'ont subis ses filles des années durant. Parce que, selon lui, l'aînée Kalu avait été admise à l'hôpital en avril après avoir été battue par son mari et sa belle-famille. Il se désole aussi que les époux avaient interdit à ses filles de poursuivre leurs études et de travailler.

Des drames liés à l'argent des dots alimentent régulièrement l'actualité en Inde. En 2020, près de 7000 crimes et 1700 suicides liés à cette pratique ont été recensés dans le pays. C’est le cas par exemple d’un homme condamné l'an 2021 à la prison à vie pour avoir tué sa femme, par morsures de cobra, pour prendre le contrôle des biens qui avaient été offerts en guise de dot.

Des médias chinois rapportent que le 31 mai dernier, trois jours après la découverte des corps des trois sœurs, Nusrat Imrat Qureshi, une jeune femme de 22 ans, a été tuée dans l'État du Maharashtra. Mariée en mars dernier, elle a été étouffée avec des citrons, battue et étranglée par sa belle-famille qui la harcelait également pour le versement d'une dot, après qu'elle a accusé son mari d'avoir une liaison.

Quand la dot obéit aux lois du marché 

En Inde, le marché de la dot ne connaît pas la crise. Une étude de la Banque mondiale, publiée en juin 2021, montre que 95 % des jeunes mariées en paient une. Un chiffre qui, à la grande surprise des sociologues et des économistes, reste très élevé malgré la modernisation de l’Inde et l’interdiction de cette pratique depuis 1961. Au lieu de disparaître, la dot se fait simplement plus discrète. On parle plus volontiers de « cadeau », et l’on offre, selon le rang social.

Le paiement de la dot, qui incombe en grande majorité à la famille de l’épouse, enferme la femme dans un système patriarcal. Il renforce la préférence pour les garçons à la naissance et décourage la scolarisation des filles. Ce proverbe du nord de l’Inde résume à lui seul la situation : « Donner naissance à une fille, c’est comme arroser le jardin du voisin ». La dot, pratiquée dans toutes les religions de l’Inde et même davantage chez les chrétiens que chez les musulmans ou les hindous, renforce l’emprise de la famille ou de la communauté sur les individus.

Visesa Louangel