Jacques Bouthier, le roi des assurances déchu, a été mis en examen pour traite d’êtres humains et viols sur mineurs. Le Maroc, où il a délocalisé une partie de son business à moindres frais, était surtout, selon plusieurs témoignages, le terrain de sa prédation sexuelle. Récit.
En France, l’affaire Jacques Bouthier, dont les médias et les réseaux sociaux ont fait leurs choux gras, a connu un moindre retentissement au Maroc. C’est pourtant le royaume – et plus précisément Tanger, où le fondateur et désormais ex-PDG du groupe Vilavi (ex-Assu 2000) a délocalisé une grande partie de ses activités en 2009 – qui était au cœur de son système de prédation.
Le roi du courtage en assurance, qui fait partie des 500 premières fortunes de France, a été mis en examen et placé en détention provisoire le 21 mai à Paris pour traite d’êtres humains et viols sur mineurs.
Tout a commencé à la mi-mars, lorsqu’une ressortissante marocaine de 22 ans s’est rendue dans un commissariat parisien pour déposer plainte contre lui. D’après sa version des faits, Jacques Bouthier l’aurait rencontrée au Maroc avant de l’emmener avec lui en France et de subvenir à ses besoins en échange de relations sexuelles.
La jeune femme aurait vécu sous son emprise pendant six ans, de 2016 à 2022, jusqu’à ce que l’homme d’affaires la juge « trop âgée » et lui demande de lui « trouver » une fille plus jeune pour la remplacer.
Celle-ci aurait alors recruté une adolescente roumaine de 14 ans, qui vivait dans un squat. La jeune Marocaine a réussi à filmer Jacques Bouthier au lit avec la mineure et a fourni la vidéo aux enquêteurs. Informé de l’existence de cette vidéo, l’homme d’affaires aurait alors échafaudé un plan d’enlèvement et de séquestration en bande organisée pour récupérer les images et renvoyer la jeune femme au Maroc.
Cinq autres personnes ont été mises en examen, dont son épouse franco-algérienne Farida, deux anciens salariés d’Assu 2000, une « rabatteuse » d’origine marocaine qui aurait recruté la plaignante et un ex-membre du GIGN.
Un patron pas comme les autres
Depuis qu’a éclaté cette affaire, deux ex-salariées du groupe Vilavi à Tanger ont porté plainte, en France, contre Jacques Bouthier pour harcèlement sexuel.
Parmi elles, Sarah*, représentée par l’avocat franco-marocain Me Mohamed Jaite. Les faits remontent à 2020. « Je souhaitais porter plainte contre lui depuis longtemps, mais je ne savais pas comment faire car c’est compliqué en tant que femme de faire entendre sa voix au Maroc. Quand j’ai appris qu’il avait été arrêté, que l’affaire était entre les mains de la justice française, j’ai décidé de franchir le cap et d’apporter ma pierre à l’édifice », explique t-elle.
Sarah a travaillé au sein du groupe à Tanger de 2018 à 2021, en tant qu’attachée commerciale. Jacques Bouthier n’est pas un boss comme les autres : il ne se coupe pas de la réalité dans sa tour d’ivoire de Noisy-le-Sec en France (93) – le siège du groupe. Relate jeune Afrique
Denise KAVIRA KYALWAHI