Plus d’un mois après le second tour de l’élection présidentielle péruvienne, la victoire du candidat de gauche Pedro Castillo (Perú Libre), a définitivement été validée lundi 19 juillet. Lors d’une allocution vendredi dernier, le nouveau président a appelé le pays à se montrer uni face aux nombreuses crises qui traversent le pays.
Au Pérou, le nouveau président Pedro Castillo se présente en rassembleur. Après les batailles politiques de la campagne électorale, place, semble-t-il, à la volonté d’unité et d’apaisement.
Devant une foule de partisans réunis sur la Plaza San Martin de Lima, Pedro Castillo s’est voulu rassembleur, vendredi 22 juillet, lors d’une allocution prononcée peu après avoir reçu ses « lettres de créances » du Jury national des élections (JNE).
« J’appelle à l’unité la plus large de tous les partis politiques, de tous les syndicats, de tous les enseignants du Pérou, des organisations syndicales et populaires du pays, de toutes les communautés autochtones, des peuples indigènes », a annoncé le nouveau président. Malgré les tentatives de sa rivale Keiko Fujimori, pour contester les résultats du scrutin, Pedro Castillo a accédé à la présidence et et a pris officiellement ses fonctions mercredi 28 juillet, jour de la fête nationale.
Cet instituteur et syndicaliste de 51 ans, considéré pendant la campagne comme un "ovni politique", doit maintenant exercer le pouvoir. Une tâche ardue avec en toile de fond une crise économique profonde et un système politique entaché par la corruption et la division.
Convaincre et rassembler un peuple divisé.
Élu avec à peine quelques dizaines de milliers de voix d’écart d’avance sur Keiko Fujimori, le candidat de la gauche radicale aura pour premier défi de rassembler. D’autant que, parmi les suffrages exprimés en sa faveur, beaucoup visaient à contrer sa rivale, exécrée par de nombreux Péruviens à cause des nombreux scandales de corruption qui l’entourent, elle et sa famille.
Pour beaucoup de ses concitoyens, Pedro Castillo incarne une voie dangereuse. Durant la campagne électorale, ses détracteurs ont cherché à le décrédibiliser en le qualifiant pendant des mois de communiste incapable de gouverner, proche des régimes de la Corée du Nord, du Venezuela et de Cuba. Ces manœuvres ont fonctionné et l’opinion publique péruvienne est plus que jamais polarisée. « Je rejette catégoriquement l’idée que nous allons importer des modèles d’autres pays. Nous ne sommes pas des chavistes (du nom de l’ancien président vénézuélien Hugo Chavez, NDLR), nous ne sommes pas des communistes, nous ne sommes pas des extrémistes, encore moins des terroristes » a martelé le nouveau président, vendredi.
Il lui faudra d’autant plus la confiance de son peuple que le nouveau président va devoir gérer des crises profondes. Le Pérou est le pays le plus frappé du monde par le Covid-19, proportionnellement à sa population, comptabilisant plus de 190 000 morts.
L’économie péruvienne, qui repose à plus de 70 % sur le secteur informel, a fortement pâti des mesures sanitaires restrictives, chutant de 11 % en 2020.
« Concevoir un véritable modèle péruvien ».
Une gestion de la crise dont dépend aussi la survie politique de Pedro Castillo. Devenant le cinquième président du Pérou en à peine trois ans, il n’est pas exclu qu’une nouvelle vague contestataire le menace dans l’exercice de ses fonctions. Ses premières décisions seront donc scrutées attentivement. Le nouveau président a promis devant ses partisans de « concevoir un véritable modèle péruvien (…) en respectant le cadre institutionnel », quitte à convoquer une Assemblée constituante comme il s’y est engagé durant la campagne. Très conservateur sur les thématiques sociétales, Pedro Castillo prône en effet une politique économique interventionniste qui nécessiterait de modifier l’actuelle Constitution instaurée en 1993, par le gouvernement d’Alberto Fujimori et qui consacre la primauté du secteur privé.
Une proposition que le nouveau président a depuis adaptée à l’humeur populaire, réfractaire à un changement brutal, et qu’il souhaite désormais soumettre à un référendum.
Rosine MANGA