Alexeï Gorinov, un élu municipal moscovite a été condamné à sept ans de prison vendredi pour avoir dénoncé l'assaut russe contre l'Ukraine, en pleine vague répressive pour faire taire toute critique sur l'offensive décidée par Vladimir Poutine. Depuis le 24 février, date de l'entrée des forces russes en Ukraine, les autorités ont introduit une série de lois pour punir de lourdes peines, ceux qui réprouvent publiquement cette attaque, bannissant au passage l'emploi des mots "guerre" et "invasion".
L'opposant de 60 ans a été reconnu coupable d'avoir "disséminé des informations clairement mensongères" sur l'armée russe en usant de "ses fonctions officielles" et de l'avoir fait dans le cadre d'un groupe organisé motivé par la "haine politique". La décision a été prononcée par la juge Olessia Mendeleïeva. "Le redressement de l'accusé est impossible sans peine de privation de liberté", a expliqué la magistrate avant de le condamner à sept ans de détention dans une colonie pénitentiaire.
Bien avant, le public de l'audience avait félicité le prévenu, conduisant à l'expulsion de la salle des personnes venues le soutenir. Gorinov est le premier opposant, un élu qui plus est, à écoper d'une peine de prison ferme pour ses prises de position contre l'intervention russe en Ukraine.
D'autres militants attendent présentement en détention leur procès. "Le président russe a dit qu'il fallait assurer le soutien total du peuple à l'opération spéciale. Si le verdict n'était pas aussi sévère, on aurait pu accuser la juge de désobéir au président", a estimé Vladimir Roslov, un retraité de 82 ans venu au tribunal pour soutenir l'élu.
<< Condamné "pour ses opinions". >>
Peu avant la sentence, debout dans la cage de verre réservée à l'accusé, l'homme aux cheveux gris, le visage tendu et le regard perçant, a tenu devant les caméras une feuille barrée des mots "Il vous la faut encore, cette guerre?"
Une autre élue municipale, Elena Kotenotchkina, est accusée des mêmes faits, mais n'est pas jugée car elle a fui la Russie, tel de nombreux militants d'opposition craignant la répression, encore accrue en Russie ces derniers mois.
Juriste de formation, Gorinov avait été arrêté en avril pour avoir dénoncé le 15 mars l'agression de Moscou contre l'Ukraine où maintenant "des enfants meurent chaque jour", pendant une réunion de son assemblée municipale de quartier, session filmée et retransmise sur YouTube. "Tous les efforts de la société civile doivent servir à mettre fin à la guerre et à entraîner le retrait des forces russes du territoire ukrainien", avait-il affirmé.
L'élu municipal moscovite, qui est incarcéré depuis le 26 avril à Moscou, va faire appel de sa condamnation, d'après son avocate, Katerina Tertoukhina, jugeant qu'il avait été puni pour "ses mots, ses opinions, ses convictions". "Dans son verdict, la juge a dit que la liberté de parole dans notre pays pouvait être limitée", a-t-elle ajouté.
L'épouse de l'élu, Alla, a pleuré en apprenant le verdict: "J'ai vécu avec lui 32 ans, j'espérais que mon bonheur allait continuer". Jeudi, lors d'une précédente comparution, Gorinov avait martelé être "contre toutes les guerres". Il a aussi cité les noms de villes ukrainiennes comme Boutcha où les forces russes sont accusées de crimes de guerre, exactions que les autorités russes qualifient de mensonges ou de mises en scène.
Depuis le lancement de l'offensive en Ukraine, des dizaines de personnes l'ayant critiquée publiquement ont été poursuivies en Russie. La plupart ont été condamnées à des amendes, Cependant d'autres risquent de lourdes peines de prison, comme Vladimir Kara-Mourza, l'un des rares opposants restés en Russie.
Outre, Alexandra Skotchilenko, une artiste de Saint-Pétersbourg emprisonnée depuis avril, attend son procès pour avoir collé dans un supermarché des étiquettes pacifistes. La Russie, qui est déjà engagée depuis de longues années dans une répression des voix critiques du Kremlin, a considérablement durci son arsenal pénal contre ceux qui dénoncent le pouvoir russe.
Cette semaine, le Parlement a adopté une série de textes prévoyant de lourdes peines de prison au langage très vague pour réprimer les appels à agir contre sa sécurité ou encore la coopération "confidentielle" avec des étrangers.
Toutefois, depuis février, la Russie a également bloqué sur son territoire de nombreux médias russes et étrangers ainsi que certains des plus grands réseaux sociaux, comme Twitter, Facebook et Instagram.
Rosine MANGA