Dans un compte-rendu très attendu sur les violations chinoises des droits de l’homme dans la région du Xinjiang, publié ce mercredi 31 août, l’ONU dénonce nettement de possibles « crimes contre l’humanité », des « stérilisations forcées » et du « travail forcé », sans toutefois parler de « génocide ».
Malgré de très fortes pressions chinoises, Michelle Bachelet, à la tête du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU basé à Genève, a tenu ses promesses.
Ce mercredi 31 août, au dernier jour de ses quatre ans de mandat, elle a rendu officielle son rapport d’une cinquantaine de pages sur les violations chinoises des droits de l’homme au Xinjiang. Sans ouvertement évoquer une stratégie chinoise « génocidaire », ce rapport dénonce très précisément de possibles « crimes contre l’humanité » commis par les autorités chinoises au Xinjiang.
« En ce sens, ce rapport est déjà satisfaisant » a réagi sur son compte Twitter, Jing-Jie Chen, chercheur au sein de l’Organisation non gouvernementale de défense des droits humains "Safeguard Defenders", basée à Madrid, « car il évoque les préoccupations sur la réalité des violations des droits de l’homme par la Chine ».
Cette dénonciation officielle de la part de l’agence onusienne, légitime tout le travail des multiples ONG qui dénoncent depuis des années la tragédie de la minorité ouïgoure au Xinjiang. Même comme il a fallu du temps pour obtenir une telle dénonciation à un tel niveau. Cet acte appose le sceau de l’ONU aux accusations portées de longue date contre les dirigeants chinois.
Courte visite au Xinjiang.
Suite à plusieurs accusations de violations des droits de l’homme envers les Ouïghours et d’autres minorités majoritairement musulmanes qui ont été portées à l’attention des services de Michelle Bachelet depuis fin 2017, cette dernière a informé le Conseil des droits de l’homme en 2021 de la nécessité d’une « évaluation indépendante ».
En mai dernier, madameb Bachelet a été la première responsable onusienne des droits de l’homme à se rendre en Chine depuis 2005, après des années de post négociations avec Pékin sur les termes de sa visite.
La publication de son rapport mercredi 31 août avait fait l’objet de pressions intenses de ceux qui voulaient le rendre public, particulièrement des États-Unis et des grandes ONG de défense des droits humains et, à l’inverse, pour l’empêcher de voir la lumière du jour de la part de Pékin, qui considère le rapport comme une « farce » orchestrée par les Occidentaux.
« Victoire pour les droits de l’homme ».
Dans ce compte-rendu, l’ONU a appelé la communauté internationale à agir d’urgence face aux accusations de « torture et de violences sexuelles » dans le Xinjiang que l’organisation juge « crédibles ». « Les allégations faisant état de pratiques récurrentes de la torture ou des mauvais traitements, notamment de traitements médicaux forcés et de mauvaises conditions de détention, sont crédibles, tout comme le sont les allégations individuelles de violences sexuelles et fondées sur le genre », a dénoncé le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme dans le rapport.
« Ce réquisitoire contre la Chine qui commet des crimes contre l’humanité contre les Ouïgours est aussi une victoire pour les droits de l’homme dans le monde entier » a également réagi Rayan E. Asat, avocate des droits de l’homme à New York dont le frère Ekpar Asat, entrepreneur, est emprisonné au Xinjiang. Ce rapport « met à nu les violations massives des droits fondamentaux par la Chine », a indiqué Sophie Richardson, directrice de l’ONG Human Rights Watch pour la Chine.
« Ce rapport ouvre la voie à des actions sérieuses et tangibles des États membres, des agences de l’ONU et des entreprises », s’est félicité, Dolkun Isa, président du Congrès mondial Ouïghour et d’ajouter : « L’heure de rendre des comptes sonne maintenant ».
Ce rapport est contesté par la Chine. D'après elle, le document est basé « sur la désinformation et des mensonges fabriqués par les forces antichinoises » et « diffame et calomnie gratuitement la Chine et s’immisce dans les affaires intérieures de la Chine », a écrit l’ambassade de Chine auprès de l’ONU à Genève dans le commentaire attaché au rapport. Pour sa part, Michelle Bachelet, accusée d’être trop indulgente envers Pékin, a répondu : « Dialoguer et essayer de mieux comprendre ne veut pas dire que l’on est tolérant, que l’on détourne le regard ou que l’on ferme les yeux. Et encore moins que l’on ne peut pas parler franchement ».
Rosine MANGA