Une nouvelle affaire de "biens mal acquis" secoue les relations franco-africaines. Le parquet national financier (PNF) a ouvert en janvier une enquête préliminaire visant le président de transition du Tchad, Mahamat Idriss Déby Itno, pour des soupçons de détournement de fonds publics et recel.
Des dépenses vestimentaires pharaoniques
L'enquête, confiée à l'Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), fait suite à des révélations de Mediapart en décembre 2023. Le média d'investigation a mis au jour des dépenses somptuaires :
- Plus de 900 000 euros dépensés à Paris en vêtements de luxe
- Achats effectués dans des boutiques haut de gamme de la capitale française
- Paiements réalisés grâce à des virements depuis une société tchadienne
Un montage financier opaque
Les investigations se concentrent sur l'origine des fonds utilisés pour ces achats :
- Virements effectués par une société nommée "MHK Full Business", basée à N'Djamena
- Utilisation d'un compte à la Banque commerciale du Chari (BCC), l'un des huit établissements bancaires agréés au Tchad
- Deux versements majeurs identifiés : le 1er décembre 2021 et le 4 mai 2023
Élargissement possible de l'enquête
Selon le magazine Challenges, les investigations pourraient s'étendre au patrimoine immobilier de la famille Déby et de son entourage en France. Cette perspective inquiète les autorités tchadiennes, conscientes des implications diplomatiques et judiciaires potentielles.
Réactions et conséquences immédiates
L'ouverture de cette enquête a provoqué une onde de choc à N'Djamena :
- "Panique" au sein de la présidence et du gouvernement tchadien, selon une source locale
- Report sine die du déplacement prévu à Paris de Kaka Déby, figure importante du régime
- Attente d'une déclaration officielle du ministre des Affaires étrangères Koulamalah
Contexte politique tendu
Cette affaire intervient dans un contexte déjà complexe pour le Tchad :
- Mahamat Idriss Déby au pouvoir depuis 2021, après la mort de son père Idriss Déby Itno
- Transition politique contestée, avec des élections plusieurs fois reportées
- Critiques internationales sur la gestion du pays et le respect des droits humains
Implications pour les relations franco-tchadiennes
L'enquête du PNF risque de tendre davantage les relations entre Paris et N'Djamena :
- Remise en question possible du soutien français au régime de transition
- Risque de gel des avoirs et d'interdiction de séjour en France pour les personnes impliquées
- Débat relancé sur la lutte contre la corruption et les détournements de fonds publics en Afrique
Cette affaire s'inscrit dans la lignée des enquêtes sur les "biens mal acquis" qui ont visé plusieurs dirigeants africains ces dernières années. Elle souligne la volonté affichée de la justice française de lutter contre la corruption internationale, tout en soulevant des questions sur l'efficacité réelle de ces procédures et leurs conséquences diplomatiques.