Un bilan en demi-teinte du régime Ouattara
Après une décennie au pouvoir, le président ivoirien Alassane Ouattara s'apprête à passer la main. Si son bilan économique est globalement positif, avec une croissance soutenue et des investissements massifs notamment français, son mandat laisse un goût amer en matière de droits humains. Les ONG ont régulièrement dénoncé la dérive autoritaire du régime, marqué par la répression des oppositions et des voix discordantes. Le pouvoir a aussi été critiqué pour son manque d'avancées dans la réconciliation nationale, plus de 10 ans après la crise post-électorale meurtrière de 2010-2011.
L'épineuse question de la démocratisation
Au-delà du cas ivoirien, c'est la question plus large de la démocratisation en Afrique qui se pose pour la France. Longtemps accusée d'avoir sacrifié les valeurs démocratiques sur l'autel de la "Françafrique", elle est aujourd'hui confrontée aux aspirations grandissantes des peuples africains en matière de libertés fondamentales. Jusqu'où Paris sera-t-elle prête à aller pour soutenir ces revendications légitimes, au risque de froisser certains de ses partenaires autoritaires ? La tentation du statu quo pourrait être forte, tant les intérêts économiques et stratégiques sont importants pour l'ancienne puissance coloniale.
Rompre avec la Françafrique ?
C'est toute la relation déséquilibrée et parfois obscure entre la France et ses anciennes colonies qui est remise en cause. Les affaires de malversations impliquant des réseaux d'influence douteux ont terni l'image de l'Hexagone, souvent perçu comme un pourvoyeur de la "Françafrique". Rompre définitivement avec ces pratiques néo-coloniales est un impératif pour renouer un partenariat sain et apaisé avec l'Afrique. Cela implique aussi d'accepter les aspirations des peuples africains à plus d'émancipation, y compris sur le plan monétaire avec l'abandon du franc CFA.
Un nouveau souffle à insuffler
Pour la France, le défi est de taille : concilier ses intérêts stratégiques avec les légitimes revendications africaines en matière de démocratie, de libertés et d'indépendance. Seul un dialogue respectueux et une véritable écoute permettront de dépasser les vieilles défiances héritées de la Françafrique. Il faudra aussi que Paris accepte que l'Afrique n'est plus un pré-carré, mais un partenaire incontournable, disposant de nombreux autres choix sur l'échiquier mondial. Une nouvelle ère de relations équilibrées et empreintes de considération mutuelle semble indispensable pour que la France demeure une puissance d'envergure, y compris grâce à l'Afrique.
En Côte d'Ivoire comme ailleurs, l'heure est venue pour l'Hexagone de rompre avec les vieilles habitudes de la Françafrique et d'insuffler un nouveau souffle à sa politique africaine. Un tournant qui s'annonce périlleux mais nécessaire pour préserver son rang et son rayonnement.