La rivalité observée au cours de la 33ème coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2021, entre la Cote d’Ivoire et le Cameroun ne date pas d’aujourd’hui. Le duel pour l’honneur et pour le leadership entre ces deux pays pourtant unis par des liens forts, trouve son origine dans l’histoire. Cette opposition a souvent dépassé le terrain du sport pour s’étendre à d’autres domaines notamment politique social, économique ou diplomatique.
Le Cameroun et la Cote d’Ivoire deux grandes nations de football en Afrique.
Ces deux pays ont remporté à eux seuls 7 trophées de la CAN (cinq pour le Cameroun et deux pour la cote d’ivoire). La brouille qui a refait surface entre ivoiriens et camerounais pendant la compétition commence après la sortie de la cote d’ivoire par le Cameroun aux éliminatoires de la coupe du monde. Une défaite mal digérée par les fans de foot ivoiriens qui tournent en dérision les camerounais sur le retrait de leur CAN.
En effet le Cameroun s’est vu retiré l’organisation de la CAN 2019, à cause du retard qu’il accusait dans l’avancement des travaux. Une humiliation pour le pays de Roger Milla, qui était devenu la risée de tout le continent.
Pourtant le Cameroun a contracté une dette d’environ 3000 milliards de FCFA, pour la construction des infrastructures sportives. A cette liste s’ajoute le complot entre la FIFA et les clubs européens pour retirer la compétition au pays organisateur.
Ensuite, l’affaire des tests Covid, les Lions Indomptables, sont accusés d’avoir triché sur les tests. Le pays organisateur n’ayant que des tests négatifs pendant que ses adversaires comptaient dans leurs rangs, de nombreux cas positif. Pourtant les tests Covid étaient effectués par la CAF, à travers le cabinet UNILAB et non par le Cameroun. Dans cette atmosphère de rivalité, les supporters ivoiriens ont supporté les Comores face au Cameroun en huitième de final et ont fait des Lions Indomptables, un sujet de moquerie sur les réseaux sociaux. Or les camerounais s’étaient déplacés en masse pour porter l’équipe ivoirienne à la victoire contre l’Algérie.
En réaction, le 26 janvier les camerounais se sont vengés, ils ont entonné l’hymne égyptien et siffler l’hymne ivoirien. Dans les vidéos en circulation sur les réseaux sociaux, on a vu des supporters ivoiriens piétiner et bruler le drapeau et le maillot camerounais. Ce qui a suscité l’indignation des camerounais sur les réseaux sociaux et même dans tout le Cameroun. Après la défaite des Lions Indomptables en demie finale contre l’Egypte, ce fut une explosion de joie dans les rues en cote d’ivoire et la mise en ligne sur les réseaux sociaux des chansons moqueuses préparées à l’avance.
Rivalités politiques.
Mis à part ces émotions causées par la passion du football, les rivalités entre ces deux nations bien que présentant quelques traits communs ne datent pas d’aujourd’hui. Sur le plan bilatéral, les deux anciennes colonies françaises ont toujours été rivales mais amie, même si on a coutume de dire qu’il n’y a pas d’amitié entre des Etats, mais des intérêts. On se souvient de l’opposition entre les deux anciens chefs d’Etats Félix Houphouët-Boigny, pour la cote d’Ivoire et Ahmadou Ahidjo pour le Cameroun, au sujet du contrôle de la compagnie aérienne africaine Air Afrique. En effet, cette rivalité avait poussé l’ancien chef d’Etat camerounais, dans un sursaut d’orgueil à créer la compagnie camerounaise Cameroon Airlines.
Le feuilleton observé entre ivoiriens et camerounais lors de cette CAN, a permis de comprendre que le peuple camerounais qu’on a toujours traité de passif, est capable de dépasser ses clivages politiques, religieux, ethniques et même idéologiques, pour un objectif commun, l’amour de la patrie. Ne touche pas à mon Cameroun !
« le Cameroun et la Côte d’ivoire c’est une histoire de mariage »
La CAN est un événement sportif qui doit unir les Africains et fédérer et non semer la division entre peuples. Pour le président de la fédération camerounaise de football Samuel Eto’o, qui a réagi sur les incidents entre les deux peuples frères, il n’y a pas de choix à faire entre un africain et un autre. « Je ne vais jamais choisir entre un Africain ou un autre. Et vous savez d’où vient mon épouse. Donc je me sens gêné parce que je vois cette Afrique qui se divise pour une histoire qui ne devrait pas être. Une fausse histoire et je demande aux uns et aux autres de se retenir… Et j’espère que le calme reviendra parce que le Cameroun et la Côte d’ivoire c’est une histoire de mariage »,
l’histoire nous apprend qu’avant les indépendances intervenues en 1960, Les nationalistes de ces deux pays frère engagés dans la lutte contre la colonisation avait la même vision face au colonisateur français, à travers le Rassemblement démocratique africain (RDA) –une fédération de partis politiques africains fondée en 1946 par l’ivoirien et père de l’indépendance ivoirienne Félix Houphouët-Boigny, et dont a fait partie l’Union des populations du Cameroun (UPC), le premier parti nationaliste camerounais conduit par le charismatique Ruben Um Nyobe.
Un autre fait qui illustre l’amour entre ces deux pays, la crise post électorale en côte d’ivoire. Le quotidien des camerounais était rythmé par cette crise. Des comités de soutien à l’ancien chef d’État ivoirien s’étaient créés ; des conducteurs de taxi-moto avaient organisé une manifestation vite dispersée en soutien à Laurent Gbagbo, dans la ville de Douala. Certes il existe des rivalités entre les deux nations, mais cela ne peut en aucun cas occulté les liens d’amitiés entre les deux pays frères.
Jean Baptiste Bodo