Le Nord de l'Inde et le Pakistan connaissent ces dernières semaines des vagues de canicules sans précédent. Les températures sont devenues extrêmement élevées et excédent les 49° habituel dans la capitale de New Delhi. Les populations pauvres sont particulièrement touchées, car leurs logements sont vulnérables. En Inde, l'ONG Mahila Housing SEWA Trust, leur vient en aide en développant des méthodes de toits rafraîchissants.
Le mois de mars a été le plus chaud jamais enregistré en Inde, et les mois suivants ont également battu des records dans plusieurs villes. Le Pakistan voisin est aussi touché. L'enfer du réchauffement climatique devient une réalité dans ces pays.
La température a dépassé les 49 degrés dimanche dans la capitale New Delhi, un record absolu. l'État estime que les températures moyennes du pays devraient augmenter de plus de 4°C en un siècle, soit cinq fois plus rapidement qu'au siècle dernier.
Les oiseaux épuisés tombent du ciel, et certaines zones desséchées sont sous transfusion des livraisons d'eau par le rail. Les scientifiques ont prévu que la situation devrait encore s'en pirer en Asie du Sud-Est, dans les années à venir.
Les conditions de vie deviennent intenables. Plus longues et intenses, précoces et répétées, les périodes de grandes chaleurs deviennent de plus en plus dangereuses pour la santé, et particulièrement celle des plus pauvres, qui doivent survivre dans des maisons non ventilées.
Dans la ville d'Ahmedabad, au Nord-Ouest de l'Inde, les populations du quartier prolétaire de Bhagwati Nagar subissent la canicule de plein fouet. Depuis plus d'un mois, le thermomètre dépasse tous les jours les 40 degrés. Dans les petites maisons aux murs de briques et de ciment surmontés de toitures en tôle d'amiante, la vie est devenue insupportable depuis des semaines.
"Je ne peux travailler que le matin et le soir après 17h. Dans la journée, il fait bien trop chaud. Donc cela réduit mes revenus", affirme une habitante. "Nos trois enfants sont aussi constamment malades à cause de cette chaleur. Ils vomissent et ont des diarrhées", ajoute-t-elle.
À Ahmedabad, deux millions de personnes habitent dans ces bidonvilles, soit près d'un tiers de la population de la ville. En 2010, une canicule similaire avait causé plus de 1300 morts dans cette ville.
Face à cette situation, l'association Mahila Housing SEWA Trust (MHT) s'est donnée pour mission d'aider à rafraîchir les maisons, à travers diverses techniques. La plus simple et la moins chère consiste à peindre les toits avec une peinture blanche spéciale qui réfléchit les rayons du soleil.
Cette méthode permet de gagner quelques degrés à l'intérieur du logement, ce qui permet d'y travailler un peu plus. Mais peindre un toit de 10m coûte l'équivalent d'environ 30 francs. Soit une somme trop élevée pour ces familles, qui est donc souvent payée par l'ONG.
MHT a aussi développé une autre technique, plus élaborée et efficace, pour les foyers plus aisés: elle consiste en l’installation d’un toit amovible composé de déchets organiques et d’emballages, qui servent d'isolants. Le coût d'une telle installation dépasse alors 1500 francs, mais peut faire baisser la température de plus de 10°C.
Le climatologue, Jean Rouzel, dans"Tout un monde", soulignait que "l'adaptation doit donc aller de pair avec la lutte contre le réchauffement".
Les grands immeubles pointés du doigt.
Depuis 12 ans, MHT a soutenu plus de 6800 foyers du Nord de l'Inde. Une démarche récompensée lors de la COP26 de novembre dernier. La municipalité d'Ahmedabad prévoit de s'en inspirer et de peindre certains toits avec cette peinture réfléchissante. Mais pour Bhavana Maheriya, responsable du programme sur le changement climatique au sein de l'ONG, il faut aller plus loin.
"Les grands immeubles construits sous les programmes publics sont très énergivores. Leur climatisation émet beaucoup de chaleur, et ce sont les pauvres qui souffrent de ce réchauffement", explique-t-elle. "Les autorités doivent donc réintégrer les techniques traditionnelles qui réduisent la chaleur intérieure et peindre ces bâtiments avec une peinture réfléchissante."
Puis que, dans un pays qui s'urbanise à grande vitesse, le problème devrait s'accentuer. Chaque année, les villes indiennes accueillent 12 millions de personnes supplémentaires.
"Les enjeux n'ont jamais été aussi élevés" pour le climat, insiste le patron du GIEC
Environnement. Il estime que, la capacité d'adaptation humaine est de plus en plus dépassée.
Rosine MANGA