Politique

L'alliance Russie- Chine: le basculement du monde ou le rééquilibrage des civilisations ?

L'alliance Russie- Chine: le basculement du monde ou le rééquilibrage des civilisations ?

L'actualité de ces dernières années est fortement marquée par l'influence géopolitique de deux pays, la Russie et la Chine. Ces deux grands pays plus que par le passé tiennent à marquer de leur empreinte ces temps où toutes les certitudes sont remises en question, dans les relations diplomatiques internationales.

L'expression "colosse aux pieds d'argile" est issue de la Bible, plus précisément dans l'histoire de Daniel. Cette expression dans le langage contemporain a été utilisée et vulgarisée par des auteurs, pour qualifier ce que représente la Chine, dans les stratégies internationales. Parmi ces auteurs, Dominique Jolly qui en juin 2014 a commis un essai intitulé Chine colosse aux pieds d'argile, quand la Chine vacillera. Dans ce livre, l'auteur s'interroge sur la solidité de la Chine, dont l'ascension fulgurante tant diplomatique qu'économique ces 30 dernières années étonne plus d'un. Pour Dominique Jolly, la Chine s'effondrera comme un château de cartes, si elle ne se transforme pas. C'est aussi ce que pense Jean Marc Four, dans son éditorial du lundi 17 septembre 2018 à France Inter, à la veille du forum économique mondial de Tianjin. Pour lui, la Chine a une économie en trompe l'oeil, bien plus fragile qu'il n'y paraît. Il en est de même pour Michael Beckley, politologue américain qui déclare dans Unrivaled, que la Chine ne saurait rivaliser avec les États-Unis et encore moins les détrôner.

Mais l'avènement du covid-19 a montré à la face du monde que la Chine n'avait pas livré tous ses secrets. Au début de la crise, alors que le virus frappait de plein fouet le pays, la Chine, à Wuhan, pratiquement en direct, a construit un hôpital en 10 jours. Une performance jamais relevée jusqu'ici et qui reste une manifestation de la superpuissance du pays. La Chine, parmi les puissances mondiales aura été le pays qui viendra à bout du covid-19, alors que les autres étaient pratiquement à genous. Au delà de ces faits, la Chine a aussi fait une véritable poussée en Afrique, au grand dam des européens.
La Russie quant à elle, depuis la dislocation de l'URSS, la mort du communisme et la chute du mur de Berlin a toujours été considérée par les puissances occidentales, comme un poulet sans tête qui court après un glorieux passé, au point où l'OTAN a pensé qu'il pouvait installé une base militaire aux portes de la Russie, en Ukraine et faire naître en Kiev, des velléités occidentales. Mais avec l'arrivée à la tête du pays de Vladimir Poutine, le pays a démontré qu'il y avait une différence entre les désirs et la réalité. Au lendemain de la révolution ukrainienne en 2014, la Russie annexe la Crimée et ni les menaces, ni les récriminations des pays occidentaux n'y feront rien. Il faut dire qu'au delà de l'équilibre de la terreur, la Russie détient une arme puissante qui s'appelle le gaz dont le pays est quasiment le fournisseur exclusif de l'Europe.

Par ailleurs, la Russie est en train de faire en Afrique ce qui s'apparente à un retour. En effet de nombreuses personnes pourraient croire que c'est maintenant que la Russie arrive en Afrique, il n'en est rien. Depuis longtemps comme l'indiquent les recherches de Alexandra Arkhangelskaya dans son article "Le retour de Moscou en Afrique subsaharienne", pélerins russes orthodoxes et chrétiens d'Afrique se rencontrent en Terre Sainte, pendant que musulmans russes et africains se croisent sur les sites sacrés de l'Islam. Des relations se créent, avant que les explorateurs russes parcourent le continent africain et que le sort d'un esclave africain, devenu aristocrate russe, marque à jamais l'histoire de la Russie : Abram Hanibal est l'aïeul du poète Pouchkine, figure nationale du pays.

Dès la fin du XVIIIe siècle, la Russie des tsars développe des liens diplomatiques avec l'Afrique. Des consulats sont ouverts en Egypte, puis progressivement dans d'autres pays : Ethiopie, Transvaal (actuelle Afrique du Sud), Maroc... Au lendemain de la seconde guerre mondiale alors que le monde est divisé en deux par la guerre froide, l'Afrique est aussi une terre de rudes batailles stratégiques. C'est par l'idéologie que la Russie est présente sur le continent, avec des figures comme Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah ou encore Thomas Sankara pour ne citer que ceux là, fortement marqués à gauche. Mais les assassinats de ces hommes politiques et l'effondrement du bloc de l'Est font que la présence russe est mitigée. Néanmoins, Place de l'Etoile Rouge à Cotonou, Université Lumumba à Moscou, sont autant de lieux et de noms qui évoquent l'histoire qui lie l'URSS au continent africain. Et aujourd'hui, la Russie revient en Afrique, notamment en Centrafrique début 2018 et au Mali tout récemment, avec des accords militaires. pour ce qui est de l'économie, ces dernières années, Vladimir Poutine a effectué des visites au Maroc, en Angola, en Guinée, au Nigeria ou encore en Namibie avec à chaque fois près de 400 hommes d'affaires dans ses bagages.

La Chine et l'Occident, la Russie et l'Occident se regardent donc en chien de faïence depuis de nombreuses années. Aussi improbable qu'elle puisse l'être, l'association de ces deux pays pourrait redistribuer les cartes dans l'échiquier mondiale et permettre à ces deux superpuissances de retrouver une aura internationale qui ne fera plus l'ombre d'un doute, à la face du monde.

Loris-Clet ADIANG