Au Mali, les Russes sont à Ménaka depuis le mercredi 15 juin dans l'après-midi. Le processus est désormais bien rôdé : à mesure que les soldats français de la force Barkhane se désengagent du Nord, les supplétifs russes de l’armée malienne investissent leurs bases. Ce fut le cas à Tombouctou, à Gossi et à présent donc à Ménaka, dans le nord-est du pays, près de la frontière avec le Niger. Une base que Barkhane a quittée lundi, dans un contexte très particulier et très différent des autres zones où les combattants russes se sont déployés jusqu’ici. La région de Ménaka connaît depuis début mars une offensive ultra-violente de la branche sahélienne du groupe État islamique et, face aux jihadistes, jusqu’ici, ce sont des groupes armés locaux, signataires de l’accord de paix de 2015, qui se sont retrouvés en première ligne. La question se pose donc, pour la première fois, de l’articulation sur le terrain de ces différents acteurs.
« Pour le moment nous n’avons eu aucun contact avec eux ». C’est l’un des chefs de la coalition MSA-Gatia qui parle, ces deux groupes armés locaux, essentiellement composés de touaregs, qui s’efforcent depuis plus de trois mois de défendre les populations face aux assauts du groupe État islamique. « Nous avons constaté l’arrivée des Russes, poursuit cette source, nous n’étions pas informés mais à présent je vois mal comment ne pas travailler ensemble. »
Selon plusieurs sources militaires et civiles, locales et internationales, 40 à 50 combattants russes sont arrivés hier, mercredi 15 juin, en début d’après-midi à Ménaka, à bord d’avions de l’armée malienne mais sans soldats maliens. L’état-major n’a évidemment donné aucune précision, il ne communique jamais sur les supplétifs russes (des « instructeurs » de l’armée russe, selon la terminologie de Bamako, des mercenaires du groupe Wagner, selon le reste du monde). Pendant trois mois, l’armée malienne a totalement ignoré les attaques de l’EIGS dans la région de Ménaka, qui ont pourtant fait, selon les estimations, entre 300 et 500 morts.
Mais, il y a une dizaine de jours, les Fama sont officiellement entrés en scène avec le GTIA 8, un bataillon majoritairement composé de combattants issus des rangs du Gatia et dirigé par le général de l’armée malienne El-Hadj Ag Gamou, lui-même chef militaire du Gatia.
Que vont faire les Russes ?
Comment tous ces acteurs vont-ils évoluer ? Ensemble ? Côte à côte ? Chacun de son côté ? Depuis plusieurs jours, les groupes armés et même les Nations unies alertent sur la menace d’une attaque de l’EIGS sur la ville de Ménaka. Les Russes sont-ils venus pour défendre la ville ? Iront-ils au-delà, en brousse, dans la région, où les jihadistes multiplient les attaques violentes notamment contre les civils ? Le weekend dernier, le MSA déplorait encore l’assassinat de 22 personnes, dont des déplacés internes, par des jihadistes de l’EIGS ayant débarqué à moto dans un campement.
Denise KAVIRA KYALWAHI