Ce dimanche 29 mai est jour d'élection présidentielle en Colombie. Les Colombiens iront aux urnes pour choisir un nouveau président, avec en répétition, le changement auquel aspire la grande majorité des Colombiens, et en ligne de myrrhe un opposant, Gustavo Petro, qui pourrait devenir le premier président de gauche de l'histoire récente du pays.
Près de 39 millions d'électeurs sont attendus dimanche dans 12.000 bureaux de vote, où ils auront le choix entre six candidats, pour désigner un remplaçant à l'impopulaire président conservateur sortant, Ivan Duque qui ne peut plus se représenter.
Le plébiscite se déroule dans une atmosphère de vives tensions politiques, après quatre années sans grande réforme de fond marquées par la pandémie, une forte récession, des manifestations massives dans les villes et une aggravation de la violence des troupes armées dans les campagnes.
Le "paro" (grève) du printemps 2021, durement neutralisé par la police, a annoncé l'ampleur des frustrations, en particulier chez les jeunes, face à la pauvreté, aux inégalités et à la corruption, un mal endémique du pays.
Dans les localités rurales, guérillas et groupes armés liés au narcotrafic ont accru leurs violences et leur emprise au sein des communautés, mettant à mal les quelques acquis de l'accord de paix signé en 2016, avec les FARC marxistes.
En première ligne des sondages, le sénateur de gauche Gustavo Petro, un ex-guérillero converti à la social-démocratie, économiste et ancien maire de Bogota, a su capitaliser sur le désir du "changement" dont il a fait sa devise. "Il y a deux options au final" , a évalué Petro au cours d'un ultime débat vendredi. "Soit nous restons sur ce que nous avons: la corruption, la violence et la faim. Soit nous changeons pour aller vers la paix, le progrès productif, et une démocratie avec de la transparence", a-t-il promis, appelant ses concitoyens à s'unir "pour la vie", autre slogan phare de sa campagne.
C'est la troisième fois que monsieur Petro, âgé de 62 ans, participe à une présidentielle, et pour un nombre de militants de sa coalition de gauche du "Pacte historique" arrivée en tête des législatives de mars dernier, c'est "maintenant ou jamais". Il se présente avec comme colistière pour la vice-présidence une Afro-colombienne, Francia Marquez, influente activiste au discours féministe et antiraciste, qui s'est déjà imposée comme l'une des héroïnes marquants de cette présidentielle.
En face, le candidat conservateur Federico Gutierrez, ex-maire de Medellin, se veut le défenseur des Colombiens "ordinaires", auxquels il promet "ordre et sécurité". "Ce que je veux, c'est unir la Colombie parce qu'elle a besoin d'un changement. Mais ce changement doit être sûr, pour nous amener à bon port sans mettre en danger (...) le pays", a affirmé "Fico" au débat, vendredi.
Durant sa campagne, il a pris soin de se démarquer du président sortant et de la vieille droite colombienne, incarnée par le Centre Démocratique, parti au pouvoir, aujourd'hui en plein désarroi.
"Fico" est réellement talonné dans les sondages , par le candidat indépendant Rodolfo Hernandez, entrepreneur de 77 ans au discours populiste vilipendant la corruption. Un second tour est prévu le 19 juin prochain au cas où, très vraisemblable selon la presse, Petro ne passerait pas la majorité des 50%.
Toutefois, il faut dire que plusieurs observateurs internationaux surveilleront également le scrutin, dont les missions de l'Organisation des États américains (OEA) et de l'Union européenne (UE) qui a appelé à la "modération et responsabilité".
"Tout est prêt", affirme de son côté le Registre national, en charge de l'organisation du scrutin, qui aura lieu de 8H00 à 16H00 locales. Le gouvernement a déployé 220.000 policiers et militaires supplémentaires dans tout le pays, soit au total 300.000 hommes qui seront en charge de sécuriser le vote, encadré par 690.000 assesseurs.
D'après l'ombudsman colombien, le srcutin est à risque dans au moins 300 municipalités, dans 27 sur 32 départements, sous la menace des groupes armés, alors que les narcotrafiquants du puissant Clan del Golfo ont imposé début mai une "grève armée" qui a paralysé de nombreuses campagnes au Nord du pays.
Rosine MANGA